Qui veut voyager loin allège sa monture : c’est le proverbe maison sur lequel Finian Greenall, alias Fink, semble avoir fondé sa vie de musicien vagabond. Dans sa soif d’horizons vierges, cet ancien DJ reconverti en songwriter a jugé nécessaire de ne pas s’encombrer de bagages inutiles. Bien lui en a pris : avec une guitare pincée avec doigté, de sourdes pulsations rythmiques, un piano avare de ses notes et quelques vapeurs électroniques, il atteint un domaine d’expression inaccessible à la majorité des baladins folk. Comme chez José González, ses gestes sont économes, mais ses mains sont riches de nouvelles semences harmoniques et mélodiques, qui régénèrent en profondeur les vieilles terres du songwriting. Avec des délicatesses de végétaux, ses chansons ne cessent de transformer insensiblement leurs courbes, jusqu’à adopter les contours inattendus d’une coda dub (Sort of Revolution), d’un blues rhapsodique (If I Had a Million) ou d’un gospel dépouillé proche de la soul nue de D’Angelo (Q& A, Maker). Ces subtiles modifications de structure, de texture, qu’on devine calquées sur les glissements progressifs de ses désirs, Fink les accomplit avec l’amoureuse minutie d’un poète savant – de ceux qui s’attachent à percer la mécanique secrète du vivant. (Inrocks)
Depuis que Fin Greenall a signé sur Ninja Tune on ne peut pas dire que le bonhomme ait été décevant. Aussi agréable soit-il à écouter sud disques autant il l’est à voir sur scène. Mais là n’est pas vraiment notre sujet. Fink nous présente son troisième album pour le label britannique et la veine pop-funk-soul choisie avec Guy Whittaker et Tim Thorton après un premier disque électronique moyennement convaincant (resh Produce) est assurément pour eux la meilleure des solutions. Il faut dire que Fin Greenall est un songwriter avisé au feeling remarquable au point que cela créé quelques affinités. En effet, sur deux titres John Legend apporte sa patte (Move Me On et Maker) alors que Son Of Dave participe activement à Pigtails. Dans le cas de John Legend cela n’a rien d’un hasard puisque celui-ci avait déjà travaillé avec Greenall sur son album Evolver (Green Light, c’est quand même lui qui l’a co-composé). Il ne faut donc pas s’étonner qu’il puisse y avoir quelques similitudes, aussi infimes soient-elles. Le décor ainsi posé on découvre ce disque aux senteurs estivales et aux contours souples. Cependant on peut bien se demander ce qu’il a de révolutionnaire dans cet album. Peut-être que le titre n’est qu’une private joke et dont le sens révolutionnaire n’a de sens que pour le groupe. Si Fink est vraiment capable du meilleur au niveau du songwriting et de la mise en forme, il faut quand même admettre que tout cela reste assez classique pour ne pas dire déjà entendu. Sort Of Revolution est alors de ces disques confortables qui ont le bon goût de ne pas tomber dans le sirupeux mais qui ne font pas plus avancer les choses pour autant. Reste la beauté intrinsèque des morceaux et leur interprétation juste et impeccable. Là-dessus il n’y a rien a dire. Un travail d’orfèvre qui mérite des écoutes répétées afin d’en déguster chaque seconde, chaque note et se perdre dans ces mélodies savantes qui n’ont rien de commun avec le flot de clichés souvent rabâchés sur toutes les ondes du monde entier. A défaut de changer radicalement le monde de la musique, Sort Of Revolution reste un condensé de bonheur.(liability)
Alors que beaucoup tentent d’empoigner leur guitare avant que la recrudescence folk ne s’éteigne et laisse la place à autre chose, Fink a eu le nez assez fin pour se lancer avant même que pullule la nébuleuse actuelle de songwriters. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’il y aura contribué, lui qui a fait presque malgré lui l’unanimité en 2006 avec «Biscuits For Breakfast», un premier album qu’il fit écouter à Ninja Tune en le présentant comme le projet d’un artiste croisé par hasard. Il n’aura pourtant pas pu se cacher plus longtemps. L’Angleterre puis l’Europe découvraient alors un auteur/compositeur/interprète touchant et sensible, débarqué de l’electro, et doté d’autant de talent que d’humilité. Depuis, Fin Greenall surfe sur cette destinée surprise, se fait plaisir en menant sa barque là ou il veut bien qu’elle aille. «Distance And Time», un ton en dessous mais plus étoffé, l’illustrait déjà, «Sort Of Revolution», sa nouvelle œuvre totalement auto-produite, aussi. Fink s’y montre plus ouvert à la soul music («Maker», le surprenant «Q&A» uniquement construit sur un claquement de mains) et au blues («Pigtails» avec la participation de Son Of Dave à l’harmonica), même s’il conserve cette approche très personnelle qu’il soigne depuis maintenant trois ans. Les ballades épurées et touchantes («Six Weeks», «If I Had a Million», «Walking In The Sun», reprise de Jeff Barry), comme sa griffe mélancolique («Move On Me» avec John Legend au piano) font donc toujours la sève de l’album, et quelques sonorités dub échappées de son projet Sideshow viennent même enrichir certains titres («Sort Of Revolution»). À la fois plus mature et plus mystérieux, mais définitivement fidèle à sa courbe d’évolution, Fink pond donc un troisième album moins immédiat que les deux premiers, qui gagnera en saveur au fil des écoutes plutôt que de se dévoiler prématurément. Du coup, on y retourne, des fois qu’on aurait manqué quelque chose… (Mowno)