Nombreux sont les artistes qui perdent leur essence au fil de leur discographie. Le succès d'un opus leur ayant fait perdre la tête, ou simplement l'inspiration. Certains n'ont pas l'élégance de se retirer à temps, ou de repenser leur musique lorsqu'ils deviennent la caricature d'eux-mêmes.
Talk Talk n'en est précisément pas un exemple. Leurs deux premiers albums sont dans l'air du temps, dont un certain It's my Life que plébiscite le public. Deux tubes, encore ressassés aujourd'hui, qui desservent probablement leur image auprès de ceux qui les connaissent peu.
Non pas qu'ils soient foncièrement mauvais, j'adore les couplets d'It's my life et les compositions de Mark Hollis ont toujours été d'une certaine qualité. Cependant, l'instrumentation, la production, les percussions un peu cheap et les synthétiseurs trop typiques rendent ces morceaux, sinon ringards, difficiles à faire vieillir correctement.
Ils ne se satisferont donc pas si facilement de ces best-sellers, et déjà leur troisième album leur permet de tâtonner en dehors des sentiers battus. Le son n'est pas encore révolutionnaire, mais la nouvelle ligne directrice du groupe commence à se faire sentir.
En 1988, le suicide commercial eut lieu pour de bon, un désastre pour EMI. Musicalement cependant, ce sont deux chefs d'oeuvre qui viendront clôturer avec dignité la discographie du groupe.
Spirit of Eden.
Un voyage sensoriel et spirituel qui aurait tendance à me faire douter de mon athéisme. Cet album s'apparente à un pèlerinage, un parcours personnel vers la béatitude. Je n'imagine pas l'écouter autrement que seul, scrupuleusement investi de la première à la dernière seconde.
Impossible ici de faire une critique titre par titre, tant l'ensemble est homogène et tient sur un fil, reliant ces six musiques avec la délicatesse fugitive d'une oeuvre impressionniste. Rien de racoleur ici, seule une composition musicale d'une grande finesse qui n'a désormais plus aucun lien avec la pop traditionnelle.
Spirit of Eden navigue entre l'ambiant et le jazz, du progressif sans toute la théâtralité qu'induit parfois le genre. Cette musique a le mérite de ne jamais être pompeuse ni élitiste. Elle touche aux émotions sans avoir besoin d'en faire des tonnes ou d'utiliser de grosses ficelles, minimaliste et tellement riche à la fois.
Mark Hollis pose sa voix avec une touchante modestie. Dès lors elle n'est qu'un instrument parmi les autres, au service d'une beauté éthérée, contemplative.
On ne sort pas indemne de cet album, comme il sera difficile de se remettre de Laughing Stock, qui inscrira définitivement Talk Talk dans l'histoire de la musique contemporaine.
Mark Hollis restera quant à lui à jamais loin du bruit et de la fureur du monde du spectacle. Il se délivrera une dernière fois, fugacement, le temps d'un album éponyme admirable de sensibilité.
Nature's son
Don't you know where life has gone
Burying progress in the clouds
How we learn to linger on
Head in sand
Expecting the dour
To redress with open arms
Ascension in incentive end