Spiritual Healing par Joro Andrianasolo
Album quelques peu oublié parmi les grands classiques que l’on doit au parrain du death metal, Spiritual Healing fait figure de transition entre les premières années de la formation où elle proposera une musique plutôt « sauvage » et la décennie 90, où Death ne cessera de complexifier son art. L’avenir semblait déjà tracé, à l’écoute de cet opus annonciateur de l’orientation à venir.
Death aura accueilli une série de pointures du metal parmi ses rangs, notamment les guitaristes Andy Larocque (King Diamond), Paul Masvidal (Cynic) et bien sûr James Murphy (Obituary, Testament, Cancer et bien d’autres) sur cet album. James Murphy justement pose sur Spiritual Healing quelques-unes des partitions qui lui accorderont son statut de légende. Sa capacité à aligner les plans ultra-mélodiques sur des riffs beaucoup plus vicieux est exploitée à plein régime. Murphy et Schuldiner se renvoient la balle tout au long du disque ("Low Life" et "Defensive Personnalities" par exemple) à coup de solos à la fois techniques et épiques. Les deux guitaristes occupent une place prépondérante sur l’album, même si Chuck Schuldiner est toujours maître à bord (pouvez-vous imaginer Death sans Chuck ? c’est impossible !).
Il est par contre regrettable que la section rythmique ne se fasse pas plus remarquer. Terry Butler (futur bassiste de Six Feet Under) est loin de se distinguer comme le feront ses successeurs, souvent réduit à doubler la guitare rythmique et Bill Andrews est un batteur de death standard. On accordera tout de même à ce dernier d’avoir davantage étoffé son jeu par rapport à Leprosy ("Genetic Reconstruction" et le morceau-titre pour preuves), malgré une habitude de verser dans le poum-tchac à répétition. Ces reproches n’entravent pourtant pas le génie du compositeur principal car il n’y a absolument aucun morceau à jeter. Il est aidé par le mix de Scott Burns, donnant un rendu très propre des instruments (parfois même un peu trop froid, la batterie notamment). La production plus que correcte joue en sa faveur et c’est d’ailleurs un aspect qui n’aura de cesse de s’améliorer chez Death, d’album en album.
L’autre évolution majeure apportée par Spiritual Healing porte sur les textes. Death s’affranchit des paroles gores typiques des débuts. Chuck Schuldiner traite désormais de faits de société : les enfants de drogués sur "Living Monstrosity", les prédicateurs religieux de pacotille sur "Spiritual Healing". L’éveil de la maturité pourrait-on dire, le musicien ne s’appuie plus seulement sur ses qualités techniques, il s’attache aussi à diffuser un message intelligent. À ce propos, il faut souligner sa performance derrière le micro : l’incarnation parfaite du chant death. Profonde, malsaine et appuyée d’une prononciation très claire, là où bon nombre de ses confrères beuglent à tort et à travers des « Graouh », « Beuaargl » sans se soucier qu’on les comprenne. Il ne sonnera plus jamais comme en 1990, adoptant un phrasé plus aigu à chaque nouvel album qui suivra jusqu’à devenir black metal sur son œuvre finale.
Nous tenons donc une offrande de pur death metal old school et l’une des meilleures. Bien qu’il soit régulièrement éclipsé par Human ou Symbolic dans le cœur des fans, il faut rendre justice à Spiritual Healing qui est, quoi qu’on en dise, un album charnière dans l’histoire de Death et surtout dans l’Histoire du death metal. Vous aurez compris que pour votre serviteur, c’est un classique du metal, tout court.