Spoon and Rafter
7.4
Spoon and Rafter

Album de Mojave 3 (2003)

Il y a d'abord cette ressemblance, foudroyante. Comme si un Neil pouvait en cacher un autre. Lorsqu'on tend la main à Neil Halstead, le chanteur et principal maître d'œuvre de Mojave 3, c'est bel et bien Neil Young qu'on a l'impression de saluer. Un Neil Young jeune, pas encore salé et poivré par l'âge, avec les mêmes rouflaquettes, la même coiffure, le même nez qui rebrousse, le même pétillement dans un œil de Sioux qu'assombrit la même proéminence sourcilière. Il manque juste un arbre et un chien pour reconstituer à l'identique la pochette d'Everybody Knows This Is Nowhere. Ce mimétisme, probablement cultivé par l'inconscient d'Halstead, apparaît particulièrement troublant au moment où Mojave 3 publie son quatrième album, le plus lumineux et abouti à ce jour, dont bien des passages rappellent les grandes heures du loner canadien. Les heures de repos, à dominante acoustique et à visées célestes, du début des seventies notamment. Comparé aux trois précédentes sorties de Mojave 3 depuis 1996, toujours agréables mais parfois un peu trop détendues et clémentes, Spoon and Rafter évoque une véritable poussée de fièvre, semblable à celles qu'ont connues avant eux les Mercury Rev, les Flaming Lips, Grandaddy ou Wilco, augustes cousins d'Amérique. Plus que jamais, Mojave 3 apparaît comme l'admirable intrus du rock anglais, confiné dans ce mirage américain qu'évoquent immanquablement son nom, sa musique, son apparence et ses connections. Les neuf minutes déroulées en panoramique sur le Bluebird of Happiness qui ouvre l'album suffisent en tout cas à démontrer que le groupe a désormais choisi de prendre ses ambitions en main, rejoignant ainsi le cercle fermé des grands pharaons bâtisseurs du néopsychédélisme. Un soupçon plus "anglais" qu'à l'accoutumée, notamment lorsqu'il s'aventure dans le jardin d'Eden où Nick Drake et Syd Barrett ont enterré leurs secrets, Spoon and Rafter met à jour des galeries nouvelles sous l'étendue fascinante de Mojave 3, groupe qui n'a de désert que le nom. (Inrocks)


À l'heure où l'on commence à exhumer la scène shoegazing (ici, compilation commémorative plus ou moins exhaustive, là, sessions radio des fers de lance du mouvement tel Ride), trois de ses anciens représentants Neil Halstead et Rachel Boswell, ex-Slowdive, Simon Rowe, ex-Chapterhouse continuent de suivre leur bonhomme de chemin au sein de Mojave 3, quintette dont tout le monde semble se contrefoutre. À tort. Mais dans le monde de la musique pop encore moins qu'ailleurs , il n'a jamais fait bon (ou si rarement) d'être un ex... Tant pis pour les bas du front, donc, qui ne daigneront sans doute jamais prêter une oreille à Spoon And Rafter, quatrième album (déjà) de la formation britannique. Ils passeront ainsi à côté de Bluebird Of Happiness, morceau de bravoure de près de dix minutes placé en ouverture, où un piano bleuté et la voix feutrée d'Halstead transportent l'auditeur vers des rivages inconnus avant qu'une guitare céleste et une rythmique mesurée ne prennent le relais. Sans avoir eu le temps de reprendre nos esprits, on en vient alors à se demander si le titre Bill Oddity a été choisi au hasard tant cette chanson évoque, en petite soeur timide de 1979, des Smashing Pumpkins bucoliques. Mojave 3 est passé maître dans l'art des ballades crépusculaires comme celles esquissées par les Beach Boys au début des années 70 , continue de se moquer des frontières naturelles et s'autoproclame citoyen américain sur Too Many Warnings et Between The Bars, la première, ornée d'une slide évocatrice, la seconde, décorée par un harmonica fantomatique. Alors, s'il y avait enfin une justice, Mojave 3 mériterait amplement, avec ce Spoon And Rafter à la lumière tamisée, d'arrêter de prêcher dans le désert. Ce que Neil et ses compagnons font depuis trop longtemps. (Magic)
Avec la sortie l’an passé du premier album solo de Neil Halstead, on aurait pu croire en la fin de Mojave 3. En effet, le succès du disque a entraîné son auteur sur les routes du monde, en Europe, Australie et pas moins de trois tournées aux Etats-Unis. Pourtant avec ce nouvel album le groupe nous prouve qu’il est bel et bien de retour. Un album peut-être un peu plus compliqué à mettre en place du fait du peu de temps dont chacun disposait puisque Rachel Goswell, elle aussi s’est lancée dans l’aventure en solo. Pour accentuer les difficultés, les deux ont voulu faire participer à cet album de nombreux intervenants, réalisant alors un travail fait d’à-coups et de longues réflexions. Et l’on retrouve tout ce qui a fait le charme de Mojave 3 dès son premier album alors que les morceaux ont sans aucun doute gagné en maturité. Ne serait-ce que sur ‘Bluebird of happiness’, une entrée en matière de neuf minutes trente, qui jamais de lasse et monte en perpétuelle intensité. Le groupe rejoint alors les terres sauvages qu’aiment à parcourir Mercury Rev ou les Flaming Lips. Des paysages de folk-songs aux mélodies amères, à la mélancolie sincère (‘Writing to St. Peter’) qui prend le ventre et vous conduit en toute simplicité vers le beau !Chaque album de Mojave 3 s’est vendu plus que son prédécesseur, avec "Spoon and Rafter", le groupe devrait enfin atteindre un public plus large mais au combien reconnaissant. Une grande victoire dans la ‘bataille des cœurs brisés’ ! (indiepoprock)
Les récentes photographies promotionnelles du nouvel album de Mojave 3 présentent le groupe assis paisiblement au milieu d'un champ. En arrière plan, quelques arbres, des maisons en pierre. On retrouve de nouveau ces éléments sur la pochette de ce Spoon And Rafter (image qui ne déparerait pas dans le salon de Wallace et Gromit). Mais il serait dommage de s'arrêter à ces éléments visuels qui laisserait présager d'un simple recueil de chanson évoquant un après midi bucolique en campagne anglaise. En premier lieu justement, les influences seraient plutôt à aller chercher du côté de l'Amérique et ses grands espaces, Neil Young en parfait guide. De ses promenades naissent des chansons aux ambiances chaleureuses, tout pédale steel et banjo à l'air, calme sans vents, à l'image de Writing to SA. Peter, ou avec une brise plus pop tel Tinkens Blues et Too Many Mariage. Puis on gratte un peu le verni, et l'on découvre des couleurs plus surprenantes. Starlite#1 s'appréhende en début de chemin comme une promenade bucolique, mais certaines fleurs des champs devaient avoir des senteurs bien particulières. En arrière plan se dessine des paysages plus flottant, la quiétude devenant torpeur subtilement opiacée. Mais ce n'est rien en comparaison des deux pièces maîtresses de l'album que sont Bluebird of Happiness et Battle of a brokenhearts. La première est la chanson idéale pour s'éveiller, entre les accords du piano, la voix et le silence, des rayons lumineux se glissent, éclairant délicieusement l'atmosphère, avant que quelques notes de guitares et une voix à la tonalité plus aérienne ne transporte le tout à une hauteur insoupçonnée, puis la douce redescente. La deuxième est aussi contrastée, mais non pas au niveau de l'intensité, mais plutôt en ce qui concerne les émotions évoquées et sensations provoquées, un titre lunatique alternant joie et désespoir, d'où on aperçoit un Brian Wilson (des Beach Boys) pré Smile. Que l'on reverra dès la plage suivante pour une ballade au piano crépusculaire. Quelques pérégrinations après, en forêt, dans les champs, sous le soleil, les 4 Anglais nous invitent à regarder la nuit venir, tranquillement, sur la terrasse en bois de leur ferme, dans un rocking chaire. Après une telle journée, fatigué mais enchanté, passée en compagnie des excellents Grandhorse et des merveilleux Sparkledaddy, on ne pense plus qu'à une chose : recommencer depuis tôt le matin, et, pour reprendre les mots de monsieur A, jusque tard la nuit. (liability)
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le 5 avr. 2022

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