La sensationnelle brindille tatouée et destroy Amy Winehouse n'est pas la seule à avoir récemment bousculé le stéréo-type de la néo-soul sister sculpturale et propre sur elle (Beyoncé, Joss Stone et mille autres clones lisses du r'n'b). Outre-Manche, l'Américaine Beth Ditto, chanteuse de The Gossip, fait elle aussi depuis quelques mois l'objet de toutes les attentions. Cette très plantureuse hurleuse blanche sortie du fin fond de l'Arkansas, lesbienne revendiquée qui n'a vraiment rien à cacher (elle finit souvent très dévêtue sur scène), est devenue une véritable icône, l'incarnation de l'épanouissement dans la différence, grâce à un réjouissant franc-parler militant doublé d'une bonne humeur communicative et, surtout, à un talent vocal indiscutable.Ayant émergé dans le sillon du mouvement Rrrriot Grrrrrl (rock hardcore féministe) à la fin des 90's, The Gossip a affiné au cours des ans et des enregistrements un rhythm'n'blues trash et primitif entièrement mis au service du chant extraordinaire, entre Alison Moyet et Tina Turner, de la sans complexe Ditto. Un accompagnement délibérément brut et radical qui, s'il déroule une succession de bondissants titres d'un électro-clash explosif - irrésistibles en single sur une piste de danse -, constitue, à écouter sur la longueur, le principal défaut de l'album. Et c'est un réel soulagement d'entendre Ditto abandonner le registre exclusif de la puissance pour interpréter avec finesse et nuance une ballade, Coal to diamonds, sur laquelle The Gossip semble découvrir qu'oeuvrer avec un minimum de délicatesse ne signifie pas immanquablement sombrer dans le sirop. La voie à suivre à l'avenir ?HC
Jusqu’alors pourvoyeur d’une poignée de bons albums de garage-punk abrasif et frondeur (That’s Not What I Heard, Movement et Arkansas Heat), le groupe passe définitivement à la vitesse supérieure avec ce quatrième album, sorti une première fois discrètement en import en 2006. Une progression qui ne doit rien au hasard : servi par la production claquante et mate de Guy Picciotto (ex-guitariste de Fugazi), boosté par l’arrivée à la batterie de l’excellente Hannah Billie, le groupe a trouvé un nouveau souffle et gagné en maturité. Propulsé par les riffs explosifs de Brace Paine, le guitariste à la classe nonchalante, il est désormais aussi à l’aise sur les morceaux rapides d’inspiration riot (Fire with Fire ou Jealous Girls) que sur les divagations plus soul (Your Mangled Heart, Holy Water) sur lesquels la voix puissante de Beth Ditto fait merveille. Surtout, le trio semble avoir trouvé l’équilibre parfait entre révolte punk et liesse dance-floor, comme en témoignent les flamboyants et imparables Standing in the Way of Control et Listen up!. Deux titres au potentiel incroyable transformés en bombes electro par une foule de remixes brillants ces derniers mois. Parmi les meilleurs : la relecture des Belges de Soulwax ou celle plus tendue du Suisse Headman de Standing in the Way of Control. Côté Listen up!, on préférera la version diabolique des Canadiens MSTRKRFT à celle plus house et trancey de Tronic Youth. Le groupe anglais New Young Pony Club a également livré une version synthétique et gentiment barrée du très punk Jealous Girls, prochain single du groupe (Inrocks).
Au moment où on n'y croyait plus trop, le jeune trio queer de Portland The Gossip retrouve l'éclat des plus beaux albums de Sleater-Kinney en creusant son style improbable entre punk féministe, garage et soul. Car la voix de Beth Ditto est non seulement surprenante, mais permet surtout de faire voyager cette digne filiation rrriot girls au pays de Motown. Un exploit d'autant plus inattendu que les deux précédents albums peinaient à décoller d'un blues qui tache à la White Stripes, groupe avec lequel The Gossip a tourné à ses débuts. Plus produit que d'habitude, tout en conservant une texture idéalement râpeuse par la mise en son de Guy Piciotto (Fugazi), Standing In The Way Of Control se concentre sur l'essentiel, ne joue d'aucun effet superflu, et enchaîne à un rythme effréné des titres brûlants, parfois apaisants, dont on mesure presque instantanément la force de frappe. Cette fabuleuse énergie, le trio la puise dans une formule basique qu'il rend unique : une guitare rythmique singulière qui supporte tout, une batterie puissante et délicate, une chanteuse décomplexée et habitée qui est probablement une réincarnation métissée de Janis Joplin et d'Aretha Franklin. Avec les sommets d'émotions brutes que sont Fire With Fire, Your Mangled Heart et l'ahurissant Keeping You Alive au groove assassin, Standing In The Way Of Control est un disque aux mélodies écorchées, hautement combatif, plus chaleureux qu'agressif, capable de remuer en profondeur nos joies et nos colères les plus enfouies. Une fois encore, la jeune garde homo américaine rafle la mise par un anticonformisme musical qui échappe à tout contrôle.(Magic)