Non mais soyons honnêtes, les Misfits c'est la vie. Laissons la politique aux anglais des Clash ou Sex Pistols, les Dead Kennedys feront le boulot de l'autre côté de l'Atlantique, pendant ce temps là les Misfits prendront du bon temps.
En fait, ils ne font que reprendre les choses là où les Ramones les ont laissées. Ils vampirisent la face sombre de la pop-culture "Hollywood Babylon", "Theme from a Jackal" le classique punk "TV Casualty", les films d'horreur fauchés mais bourrés de charme "Return of the Fly" ("with Vincent Price"), une sexualité mal contenue et violente "Some Kinda Hate", la délinquence juvénile "Last Caress" perfection punk, rock'n'roll, irrévérence et efficacité imparable, le mythique et adulé par Axl Rose "Attitude", le mix improbable de la "Guerre des Mondes" et de "Rebel Without a Cause" avec "Teenagers from Mars", les comics underground dans "Angelfuck", le meurtre avec la magnifique "Hybrid Moments", JFK et son ardente Jackie avec "Bullet". Tout y est ! On ne sait pas contre quoi on se rebelle mais c'est sûr que ça va saigner. "She" apporte quand même une petite touche de contestation sociale en reprenant l'histoire de Patty Hearst mais on sent que l'urgence est quand même au riff bien senti et à l'efficacité. Et puis il y a "We Are 138". Enigmatique quant à son sens, jubilatoire et expéditif, le morceau est pour votre humble Révérend un hymne impossible à déclasser, idéal a hurler quand la soirée à fini d'être arrosée et relativement facile à danser façon pogo de la dernière chance.
L'album en soi est enregistré un peu à l'arrache. Il faut dire que Danzig venait de se rendre compte que Père Ubu lui avait piqué son nom de label "Blank Records" et il avait gagné en dédommagement 30 heures d'enregistrement gratuit en studio.
Les Misfits c'est la violence aussi, oui. Mais pas seulement. C'est aussi une ambiance unique, comme un soir d'Halloween dans un épisode de "Happy Days" qui aurait sérieusement dégénéré avec un Danzig encore plus cool que Fonzie. Le côté doo-wap, déjà très présent chez les Ramones s'est ici chargé de quelques anabolisants sans pourtant oublier l'humour omniprésent, moqueur et communicatif. Jerry Only à la basse, avec son aura de sympathie irresistible malgré le maquillage macabre, est la deuxième tête du mutant ainsi que l'inventeur de l'emblématique "Devilock" coiffure attitrée du groupe (son frère rebaptisé Doyle Frankenstein ne va pas tarder à les rejoindre). Plus tard naîtra une guerre sans fin entre les deux leaders, mais pour le moment l'heure est à l'alchimie. La voix du jeune Glenn Danzig est déjà impressionnante, très maîtrisée, surtout selon les standards du punk, et très ancrée dans le rock'n'roll le plus pur. On croit réellement entendre le retour à la vie d'anciennes légendes du rock qu'on aurait juré mortes et enterrées. L'attitude et le look empruntent à Dave Vanian des "Damned" tout autant qu'aux blousons noirs ou à ces créatures rapiècées ramenées à la vie dans le secret de laboratoires suisses et beaucoup ne s'en remettront jamais ! Trop souvent oubliés parmi les grands du punk (peut-être parce-qu'ils préfèrent les monstres à la révolution), les Misfits proposent pourtant une expérience spécialement addictive (tiens j'ai pas parlé des Adicts, pourtant).