Trip fruitier
Un peu comme si les instruments d'ce disque étaient sous acide - un drôle d'acide fruitier : zeste de citron, bulles de myrtille et fraises écrabouillées. Une fois la mixture en pot, suffit d'y...
le 19 juin 2014
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D’aucuns reprochent aux critiques de tout poil l’usage abusif de superlatifs. On conseillera ici à “d’aucuns” de vite passer chemin, tant la lecture de cette chronique leur sera aussi pénible que l’écoute de Strawberry Jam m’est prodigieuse. Le huitième album d’Animal Collective est une tornade sonore bouillonnante, une pyrotechnie sonique sensationnelle où une électronique tranchée à la serpe caresse et agresse des compositions sophistiquées destinées à pervertir le paradigme pop avec une joie et une énergie effarantes. Les neuf chansons que composent Strawberry Jam figurent une inclassable plongée dans les méandres d’esprits géniaux et précurseurs, l’union idéale entre les essentielles poussées expérimentales qui gangrènent leurs caboches depuis huit ans, et les désirs d’accessibilité devinés sur leurs deux derniers efforts. En ouverture, Peacebone, single révélateur étrenné il y a déjà de nombreux mois sur scène (comme une bonne moitié de l'album), illustre la mue opérée depuis Feels (2005). Le freak folk déglingué tant plébiscité à l'époque laisse place à un attirail organique et une production autrement plus athlétiques, où chaque élément semble propulsé par une détermination infaillible. Les effets bruitistes insondables de Geologist se génèrent et tournoient autour d'une guitare indéfinissable et d'une rythmique instinctive, comme happés par un cyclone dont l'œil évident serait Avey Tare. Totalement désinhibé, le chanteur scande ses textes et gouverne ses refrains, tantôt éruptifs, tantôt ondoyants, avec une justesse et une grâce frénétiques, parvenant même à déchirer nos entrailles lors de l'enchaînement For Reverend Green/Fireworks. Deux chansons d'une puissance affective incomparable, qui tire leur sève créatrice d'on ne sait où, tant ces textures électrolysergiques uniques, parsemées des vocalises lunaires de Panda Bear">Panda Bear, échappent à toutes références. Comme si les Talking Heads s'étaient entichés d'Aphex Twin, comme si XTC ou Adam And The Ants avaient refait leurs gammes chez Black Dice. Et si l'orgue de #1, joué comme un parachute se met en torche, ravira les fans de radicalisme répétitif, le dub mélodique Derek aurait mérité une place de choix sur le récent Person Pitch (2007) de Panda Bear">Panda Bear, dont l'influence cosmique se fait grandissante au sein de la bande (comme l'attestent de récents concerts). Encore une fois, Strawberry Jam est l'œuvre d'une formation qui, tout en ne ressemblant à rien d'existant, parvient à toucher autant qu'elle étonne, à égayer autant qu'elle interpelle. Ilfaudra donc que “d’aucuns” me passe sur le corps, et m’arrache le cœur au passage, pour m’ôter de l’esprit l’idée suivante : jamais un groupe aussi incroyable qu’Animal Collective n’a foulé le sol de cette maudite Terre. (Magic)
On le sait depuis longtemps, Animal Collective est un groupe majeur. Arty, parfois terriblement exigeant et toujours totalement intenable – en récente tournée, quelques semaines avant la parution de Strawberry Jam, les New-Yorkais n’en ont joué qu’une pincée de morceaux, au diable la promo. Les chansons, Animal Collective les fait détonner à sa manière dingo : folk et électroniques, primitives et futuristes, grandioses et tarées, expérimentales et touchantes, bourrées de pièges vicieux et d’airs sorciers. A ce petit jeu, Strawberry Jam est, sans doute, l’album le plus abouti du groupe. Jamais l’art très particulier d’Animal Collective ne s’est à ce point affirmé : un mélange, formidable pour tuer l’ennui du cœur et raviver les désirs, de plaisirs mielleux et de frayeurs indicibles, de complications et de récompenses. Des cris glaçants succédant à une mélodie neigée du paradis, une épuisante boucle sonore hantant une harmonie vocale épiphanique. Ainsi, Chores, comptine pour enfants meurtriers, se perd dans des tournoiements mabouls, avant de s’échapper dans un finale renversant. Dresseuse de poils, portée par un cœur battant et sermonnée par un Avey possédé, montant vers l’extase comme un amour qui s’affole, For Reverend Green est un bouleversant monument. Son suivant Fireworks # 1, morceau le plus accessible de l’album, perfore à peine moins les cimes sensitives. Il se passe, en quarante-cinq secondes de Winter Wonderland, dédale drogué et lewiscarollien aux bizarres reflets eighties, autant de choses que dans la carrière de quinze autres bons groupes. Le problème d’un tel disque, d’une telle décharge d’adrénaline, d’un tel déluge émotionnel, c’est ce qui suit. Le silence est, à la rigueur, ce qu’il y a de plus acceptable – tout le reste, en comparaison, paraît fade, odieusement prévisible et tristement normal. (Inrocks)
A sa manière très particulière, ce disque peut dissuader d'écouter de la musique. D'écouter en tout cas la musique des autres, et ce pendant un bon moment. Est-ce le symbole même de l'échec ou la marque d'un très grand disque que d'occuper l'espace mental au point de réduire toute autre tentative artistique à une piètre et dispensable politesse ? Ce fut en tout cas mon expérience avec ce "Strawberry Jam" décidément très collant, au corps comme au reste. Je savais pourtant Animal Collective capable des fourberies les plus addictives, ayant passé des matinées entières à écouter "Grass" et ses compagnes de "Feels", quant au précédent album, "Sung Tongs", il ne m'avait pas non plus laissé en reste avec ses petites explosions folk qui ne ressemblaient surtout pas à du folk. Septembre 2007, "Strawberry Jam" débarque avec des tubes à plein pots. On pourra rester effrayé par les expérimentations des premières heures ou les performances scéniques fort déroutantes du groupe, il n'en reste pas moins que ce disque regorge de bonnes choses, mélodieuses à souhait, inventives, denses, incomparablement entraînantes : des vraies chansons. De vraies chansons qui restent évidemment l'oeuvre de jeunes gens virtuoses qui ne peuvent pas composer ou interpréter comme les autres. Les guitares acoustiques ont été échangées, sans doute dans une brocante de quartier, contre des engins qui font des bruits dans tous les sens, bruits qui s'agencent les uns aux autres dans une harmonieuse cacophonie néanmoins. L'organique a été méthodiquement éradiqué au profit d'un mur du son artificiel, épais de toute la verve créatrice transmise par ses quatre pilliers. Seules les voix garantissent la part d'animal forcément emblématique d'un groupe de ce nom, et elles remplissent fort bien leur mission, criant avec force une rage de vivre affirmée avec un entrain que le rock préfère d'habitude ignorer. "For Reverend Green" est tout simplement indépassable en termes d'énergie positive, de rage saine, de brutalité réjouissante et chaleureuse. Elle est sans doute difficilement dépassable aussi tout simplement en tant que chanson. Il n'y a aucune ironie dans le fait d'affirmer que cet album regorge de tubes, car à côté de cette chanson phare, des titres comme "Fireworks #1", "Chores" ou "Winter Wonder Land" se disputent la palme de morceau le plus enthousiaste et le plus enthousiasmant de l'année. Il devient de fait rapidement impossible d'écouter l'album sans avoir envie de l'écouter à nouveau. Et encore. Et encore. Et le monde devient vite fade sans "Strawberry Jam" comme bande-son . (Popnews)
2007 aura été une année assez productive pour Avey Tare et Panda Bear. Après avoir réalisé chacun un album solo, les voilà de retour avec Animal Collective et le superbe "Strawberry Jam". Attendu au tournant, ce dernier délivre un ensemble de morceaux à l’image de la musique en perpétuelle mutation que le groupe n'a cessé de nous proposer depuis ses débuts. Dès le splendide Peacebone, tout en concaténation de samples et de rythmiques répétitives, Animal Collective effectue un impressionnant grand écart entre Aphex Twin et les Beach Boys. Ce morceau est un magnifique tour de force, à la fois pop et expérimental, et dont les mélodies, en changement continu, se révèlent absolument fascinantes. Sur le folk psychédélique de Unsolved Mysteries le groupe mélange une guitare acoustique concassée avec des claviers planants, et retrouve par la même occasion les ambiances sonores de "Sung Tong". Et avec Chores, Animal Collective nous dévoilent un ensemble de mélodies vocales réverbérées et de rythmes hypnotiques dont la puissance émotionnelle se révèle toujours aussi forte après de nombreuses écoutes. Autant de sonorités mutantes, étranges, effrayantes et magnifiques qui sont venues s'installer sur nos platines, pour ne plus les quitter.On pourrait continuer d’énumérer l’ensemble des morceaux, tous captivants, de "Strawberry Jam", mais on se contentera d’en rester à une évidence : le son électro-psyché-noisy-folk-mutant d’Animal Collective constitue une formidable remise en question des modèles de l’écriture pop. Et même si certains titres rappellent parfois "Person Pitch" de Panda Bear (#1 et Derek), ou sonnent comme un bilan des huit albums du groupe, on reste toujours aussi fasciné par les mélodies en grand huit de "Strawberry Jam". Alors qu'on ne s'était toujours pas remis des efforts solos de Panda Bear, ou encore de "Feels", il va falloir maintenant compter sur ce nouvel album d'Animal Collective. Tour à tour tribal, lysergique, distordu, électronique, primitif, "Strawberry Jam" s'affirme, d'écoute en écoute, comme un des chefs-d’œuvre de cette rentrée. (indiepoprock)
Créée
le 10 mars 2022
Critique lue 19 fois
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