Rectificatif : un oubli de taille s’est glissé dans notre classement des meilleurs disques de l’année 2008. Stray Age, de Daniel Martin Moore. Un chanteur inconnu, un premier album arrivé dans les bacs en toute fin d’année, en toute discrétion. Ce disque, ceux qui l’ont entendu ont su d’emblée qu’il survivrait au changement de calendrier, qu’il aiderait à passer l’hiver. Première bonne résolution de 2009 : continuer à écouter Stray Age, et le faire découvrir aux amateurs de guitares en bois, d’orfèvrerie folk. Parfaitement de saison, ce disque : c’est un paysage aux reliefs adoucis par une épaisse couche de neige, ainsi que le réconfort apaisant d’un feu de cheminée dans une cabane en rondins. Il y a un vieux pick-up dans la cour, des animaux sauvages dans la forêt toute proche. Si Stray Age appelle la métaphore bucolique, c’est normal : Daniel Martin Moore, 26 ans, est né, a grandi et vit dans une petite ville du Kentucky. Un authentique rejeton des Appalaches, comme Mark Linkous (Sparklehorse) ou Will Oldham (Bonnie “Prince” Billy), avec lesquels il partage économie de moyens, voix languide et goût du silence entre les notes. Les chansons spartiates de Daniel Martin Moore rappellent aussi celles de Bill Callahan (Smog), mais dans une façon moins ingrate, moins sèche. Si Daniel Martin Moore avait eu un groupe, il aurait pu l’appeler Snow. Mais il n’a jamais eu de groupe. “J’ai commencé à jouer de la guitare et à composer des chansons vers 2001. A l’époque, j’étudiais la photo, je voulais en faire mon métier. Je jouais et chantais en solo pour mon propre plaisir, je faisais des petits enregistrements maison pour la famille et les amis.” L’un des amis, bien intentionné, conseille à Daniel d’envoyer ses démos au label Sub Pop, à l’autre bout du pays. En vingt ans, Sub Pop n’avait jamais signé personne sur la foi d’une démo reçue par la poste. Pour Daniel Martin Moore, le légendaire label grunge, reconverti dans le néo-folk, fera une exception. Le temps que Sub Pop contacte Daniel, le chanteur avait oublié sa démo, il travaillait dans un bed & breakfast au Costa Rica. Il aurait pu hiberner dans un igloo au Grœnland, on l’aurait cru aussi. Pour enregistrer l’album, le label envoie son chanteur en studio à Los Angeles, en bonne compagnie : la violoniste Petra Haden (fille du jazzman Charlie Haden), le bassiste des stars Justin Meldal-Johnsen (qui a joué avec Beck pendant presque dix ans), le producteur Joe Chiccarelli (aux manettes de tout un pan de l’histoire du rock, de Frank Zappa aux Shins en passant par Beck ou Rufus Wainwright). Et aussi, au piano, Earl Moore Jr, frère de Daniel. Et enfin, ici ou là, une voix féminine en contrepoint. A l’arrivée, tout le monde la met en veilleuse, joue en sourdine, à l’unisson de chansons à la torpeur élégante et élégiaque, qui rappellent aussi Ron Sexmith, Ray Lamontagne, Calexico ou Ed Harcourt, tout en restant intimement enracinées dans le folk des Appalaches. Aujourd’hui, Daniel Martin Moore est en studio avec deux amis du Kentucky, Ben Sollee et Jim James (de My Morning Jacket), afin d’enregistrer cinq chansons engagées, pour dénoncer la destruction des monts des Appalaches par l’industrie minière. Pas étonnant, donc, que son premier album soit déjà un sommet. (Inrocks)
Annoncé comme la nouvelle perle de Subpop, Daniel Martin Moore s'érige, avec son tout premier album, comme le digne héritier de Nick Drake et de Sam Beam en confectionnant un folk ni dépassé mais ni révolutionnaire non plus.,Sub Pop n'a pas fait les choses à moitié pour lancer son nouvel héraut folk. Produit par Joe Chiccarelli (The Shins, The White Stripes) et sobrement accompagné par une douzaine de musiciens, dont Petra Haden (The Decemberists) et Justin Meldal-Johnsen (le bassiste de Beck), ce premier album est d'une élégance et propreté parfaites. L'album reste néanmoins dépouillé, l'ensemble tenant essentiellement sur la guitare et la voix du gars du Kentucky. Cet album posé répand une froide élégance de tous les instants qui laisse l'auditeur tout d'abord assez distant. On a cette douloureuse impression de rentrer dans une soirée bien trop classe où l'on reste debout par peur de perturber l'ensemble avec un crissement de chaise. On espère presque qu'un micro va tomber pendant la reprise, une nouvelle fois parfaite, de Sandy Denny ("Who Knows Where the Time Goes"). Et puis d'un coup, on se laisse absorber. Le champêtre "The Old Mesure" s'avère plus attachant et on peut enfin commencer à se laisser approcher par les mélodies de l'Américain. L'orchestration reste toujours discrète et légère mais le violon d'Haden et les chœurs diaphanes de Jesca Hoop apportent un peu de chaleur aux compositions de Moore. Ainsi ce détachement devient, sur la longueur, plutôt agréable et une réécoute attentive familiarise avec l'objet. D'une homogénéité redoutable, "Stray Age" rafle la mise grâce à ses légers arrangements qui subliment un songwriting classique et élégant. (Popnews)