Street Hassle
6.9
Street Hassle

Album de Lou Reed (1978)

Je ne vous rappellerai pas qu'en 1978, le punk à New-York c'était comme le twist à St Tropez, en plus d'être indissociable, la grosse pomme était un véritable bouillon de culture. Bref, les Television et autres Ramones foutaient le feu. N'empêche, y'en a un qui regardait ça d'un drôle d’œil, c'est le père Lou Reed, car même si très rapidement il a eu droit au sobriquet de parrain du Punk, le genre de titre et récompense qu'on file aux artistes en fin de carrière.


Ainsi après nous avoir écrit son album le plus délicat, Lou décide de suivre le train en marche et très (trop) rapidement, sieur Lou nous lâche en novembre 1976, Rock and Roll Heart, son premier album sur Arista. L'album est une déception, bâclé, à vouloir surfer sur la vague naissante, notre Lou s'est gaufré lamentablement. Résultat : mauvaise critique et vente insignifiante (Lou n'a jamais vendu des masses, mais là, c'est moins que moins !).


Dans ces cas là, une petite remise en cause est de bon aloi. Et justement, Lou Reed va mettre profit un temps de réflexion pour nous concocter un album qui fleure bon la misanthropie et le retour d'une ambition artistique qui avait plus ou moins été mise en veille depuis le suicidaire Berlin. La vague punk passe, et Lou enregistre un album volontairement mal léché, cru et sombre : Street Hassle.


L'album s'ouvre avec Gimmie Some Good Times, fausse reprise mal embouchée de son Sweet Jane, et jet d'urine balancé sur ses propres erreurs. Lou Reed se parodie pour mieux vomir sa bile. Et il ne s'agit que d'un hors d'œuvre. Quand vient le titre suivant, Dirt, on comprend qu'on a à faire à un Lou en verve. Rampant, poisseux, délicieusement crade, Lou y ajoute des paroles qui collent on ne peut plus avec la production de la dite chanson : un concentré de rancœur, de haine envers soi-même et envers les autres.


Histoire de relever un peu la tête, la chanson éponyme nous convie à l'une des chansons les plus ambitieuses de Lou, un long poème de 11 minutes chapitré en trois parties où les cordes ont une place prédominante. Parallèle judicieux avec The Bells ou le morceau éponyme du prochain album (avec en guest le trompettiste de free jazz monsieur Don Cherry). Viens ensuite le goguenard I Wanna Be Black où Lou se moque des lieux communs vulgaires qui tournent autour des noirs, un grand moment d'humour au vitriol. Musicalement, ce morceau se rapproche d'un rhythm & blues (et la version live sur Take No Prisoners encore plus), proche des blues brothers mais en plus sale. Real Good Time Together sous couvert d'une production toujours aussi crade, fait office d'un bon p'tit rock 'n' roll des familles.


Après cette légère parenthèse, Lou Reed recrache le fiel qui lui reste sur Shooting Star et ce qu'il lui reste de misanthropie sur le dantesque Leave me Alone. L'album se clôt sur Wait morceau qui parle de proposition indécente sans en donner les contours... la classe ce Lou.


Au final, sans doute pas le meilleur de Lou Reed, mais un de mes préférés, un album personnel, cru, audacieux, où la grâce croise la saleté.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2007/12/lou-reed-parrain-du-punk.html

Claire-Magenta
8
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le 10 mars 2014

Critique lue 537 fois

2 j'aime

Claire Magenta

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