Bien.
Deafheaven est un groupe de black metal formé en 2010 à San Francisco par George Clarke et Kerry McCoy, respectivement chanteur et guitariste.
Sauf qu’en fait non.
Enfin, pas tout à fait.
De black metal, certes, mais on n’est pas dans un délire de gens penturlurés en zombies et léchant du sang de porc sur scène avec moult effets pyrotechniques. Deafheaven sont tout autres, ils mélangent la base du black metal, à savoir un chant venant des amygdales et une batterie neurasthénique qui tape tout ce qu’elle peut, avec des éléments de post-rock et de shoegaze, donc des guitares aériennes, pleines d’effets, et des riffs mélodieux, épiques, mélancoliques et puissants. Autant dire que nous sommes face à un mélange instable. Aussi instable que le statut d’intermittent.
Alors c’est clair que c’est pas un album pour les puristes du black metal, on en est très loin. Très très loin. Mais ou cet album deviant très intéressant, c’est qu’il dégage une force et une intensité que les groupes de black metal plus traditionnel ne peuvent qu’espérer attendre : cet album est beau. Et dramatique. Et ambitieux. L’alchimie instable dont je parlais a vraiment un aspect aussi percutant qu’un camion en pleine autoroute conduit par un routier unijambiste. C’est déflagration sur déflagration dans des morceaux comme Sunbather ou le premier morceau de l’album, Dream House, qui dégage une émotion vraiment puissante. Sans être sirupeuse.
L’album est structuré entre morceaux épiques de plus de 10 minutes environ, et autre morceaux plus courts, avec une approche plus ambiante, moins agressive, comme sur Irresistible, qui est un petit motif à la guitare qui fait retomber la pression de Dream house, qui le précède. Sunbather se prend donc d’une traite et on en prend de tous les côtés, à un moment c’est ultra agressif, et à un moment c’est tellement épique et beau qu’on bloque.
Par exemple, le morceau Please Remember, probablement un de mes morceaux favoris, commence par une nappe presque synthétique fait par les nombreux effets sur la guitare de Kerry McCoy, alors qu’une voix déclame un texte. La voix de Stéphane Paut, du groupe de black français Alcest, lisant un extrait de L’insoutenable Légèreté de l’Être, de Kundera. Je doute que beaucoup d’artistes iraient prendre des extraits de romans pour illustrer un morceau. Puis un bruit de foreuse surgit et finit par tout envahir, avec un son quasiment insoutenable. Puis tout s’évanouit alors qu’un riff de guitare acoustique se relève de ce soudain accès de bruit. Comme si l’harmonie, le bruit et l’atmosphère se seraient répondus le temps d’un morceau.
Mais c’est finalement dans l’ensemble que cet album est réussi. L’enchaînement des morceaux, les oscillations de dynamique entre explosions metalliques ultra-violentes et moments de calme dramatique, font qu’on ne sort pas indemne de l’écoute de Sunbather. Ce n’est pas pour tout le monde, c’est clair, mais ça reste un album tellement intense qu’il faut le coup de s’y pencher. Deafheaven ont créé un album qui pourrait finalement servir de porte d’entrée vers le monde merveilleux du metal extrême, et ce en y apportant une touche d’épique et de dramatique.
Sunbather est un foutu météore et Deafheaven ont appliqué à la perfection leur mélange étrange en lui donnant toute sa légitimité. C’est un album fort, complexe, puissant et presque émouvant. C’est pas du TRVE KVLT BLACK METAL \m/, mais en tout cas, c’est un superbe album. Et au bout d’un moment, c’est ça qu’on veut.