Il y a quelques années, dans la foulée du Loser de Beck, grand assouplisseur de hanches mais aussi de mentalités, toute une génération américaine découvrait les joies d'un groove élastique et nonchalant, héritier coooooool du hip-hop, du blues ou du funk – G. Love, Ben Harper ou Fun Lovin Criminals réglaient leur compte à la morosité ou, surtout, au stress. Poussée au bout de sa logique de hamac, cette indolence remplit aujourd'hui les stades grâce à Jack Johnson, qui a recruté son illustre aïeul G. Love sur son label et en première partie. En quinze années de carrière en dents de scie, le Philadelphian n'a jamais vraiment modifié la recette de sa “Special Sauce”, mélanges d'épices du Sud, d'aphrodisiaques frelatés et de Prozac insistant. Car c'est qui commence à agacer dans cette musique autrefois si insouciante : à quel point tout ceci est aujourd'hui étudié, laborieux. La joie ne se commande pas, la fête n'est pas un ordre, quels que soit les moyens mis en œuvre par ces mélodoies ensoleillées, ces cuivres exaltés, ces riffs racoleurs. Heureusement, entre deux funk-rocks clinquants pour Hard Rock Cafés, entre deux danses tropicales de Club Med, G. Love revient à des tords-boyaux (Wiggle Worm), à un peu moins de coupable légèreté (les élections, la planète) voire à une salutaire absurdité (le grandiose Who's Got The Weed, avec un Pharcyde dans les bagages). (Inrocks)