En invitant des voix mythiques, de Mercury Rev à New Order, les Chemical Brothers s'attaquent avec Surrender aux derniers réfractaires à leur techno euphorisante.Leftfield semblant avoir définitivement été avalé par le serpent de mer, Orbital, en confondant épure et simplification, ayant commis son premier léger faux pas, Underworld s'avérant contrairement à la ratatouille un peu moins bon réchauffé, 1999 commençait à salement sentir le Paco Rabanne pour les géants de la techno. On attendait donc le difficile troisième album des Chemical Brothers avec une légère crainte.Trois morceaux suffisent heureusement aux Chemical Brothers pour rassurer et exposer leurs ambitions. Music: response d'abord, petite pièce d'electronica au thème naïf mais à la maîtrise totale, breakbeat puissant et embardées psychédéliques, puis Under the influence, binaire, lourd, dérangé, fini de rire, balisent le terrain : on est bien chez les Chemical Brothers, et c'est de techno qu'il s'agit. Puis vient Out of control. En déroulant une autoroute synthétique comme un I feel love revisité par Underworld sous les pas de Barney Sumner, c'est évidemment une façon pour les Chemical Brothers de rendre hommage à New Order, mais aussi la démonstration de leur nouveau plan de bataille. L'entreprise des Chemical Brothers, comme celle des ancêtres de Manchester, référence absolue du duo, a toujours été de réconcilier le rock et la dance, et Surrender ne signifie pas un renoncement mais, au contraire, une injonction aux derniers intégristes : "Rendez-vous, vous êtes (con)cernés !"Après avoir utilisé la force (Exit planet dust) puis tenté de négocier (Dig your own hole), place maintenant à la ruse : en réunissant un casting irréprochable (Barney, Bobby Gillespie de Primal Scream, Hope Sandoval de Mazzy Star, Jonathan Donahue de Mercury Rev, Noel Gallagher), les Chemical Brothers comptent séduire le public rock tout en donnant, avec leur premier single, la redoutable machine à danser Hey boy hey girl, des gages aux fans de techno. Sans ce double stratagème, ce disque n'aurait peut-être jamais été écouté trop sombre et métallique pour les uns, avec trop de voix, de breaks et d'idées tordues pour les autres. Passé cette exposition, Surrender se déroule alors avec son bas (Let forever be, remake dispensable de Setting sun), ses hauts (Orange wedge, curiosité new-wave plongée dans l'acide, Got glint , spéciale dédicace à Giorgio Moroder) et ses très hauts : The Sunshine underground d'abord, qui doit autant à Dig your own hole qu'au Ladies and gentlemen de Spiritualized, puis Asleep from day, abandonné à une Hope Sandoval plus diaphane et envoûtante que jamais, enfin Hey boy hey girl, flippant et maousse kosto avec son "Here we go" entêtant qui relance la machine à vriller les tympans à chaque tour. L'album peut alors s'achever en douceur avec le délicat Dream on, qui confirme la forme et l'importance actuelles de Mercury Rev avec la présence de son chanteur Jonathan Donahue.En continuant à creuser leur trou sans compromission, les Chemical Brothers risquent de laisser une partie de leur public à la surface mais, comme New Order en son temps, préparent le lit de la musique de demain. (Inrocks)
À chaque fois, c'est la même histoire. Sous leur air de benêts, Ed Simons et Tom Rowlands, qui sont de grands artistes, écrasent la concurrence, non pas en dégainant le single qui tue, mais sur la longue distance. Contrairement à The Prodigy ou Fatboy Slim, le format album ne leur fait pas peur. En 1995, avec Exit Planet Dust, puis en 1997, avec Dig Your Own Hole, voire avec leur disque de mix l'an passé, les Chemical Brothers ont prouvé qu'ils étaient des musiciens bien plus que des Djs. Depuis ses débuts, le duo revendique une filiation psychédélique, un terme vague sous lequel peut être rangé à peu près tout et n'importe quoi. De la part de ces ex-étudiants en histoire à l'université de Manchester, ce terme ne signifie pas porter des chemises Paisley ou prendre un maximum de drogues, mais bien se shooter à la musique, essayer d'atteindre le nirvana décrit par les ravers en état de transe. D'où le climat de matraquage sévère sur quelques morceaux, qui ne fait que refléter leur état de passionnés peu soucieux des conventions. Comme vous le savez sans doute déjà, ces fans invétérés ont donc fait appel à une brochette d'invités encore plus prestigieuse que sur leurs précédents albums. Mais, en vérité, ils sont tous là, et pas seulement les invités : Cornershop et Happy Mondays (le morceau-titre), My Bloody Valentine (Dream On), Bocca Juniors (Hey Boy Hey Girl) voire Beloved (Out Of Control), Death In Vegas donc Joy Division (The Sunshine Underground), 808 State, Orbital, LFO ou The Shamen (Got Glint?). Le revival des 90's a déjà commencé. Et, pour le coup, il faut se rendre, se rendre à l'évidence : les Chemical Brothers sont encore au-dessus du lot. (Magic)