Talkie Walkie
7.2
Talkie Walkie

Album de Air (2004)

Le succès international et parfois agaçant de Moon Safari aura au moins eu une conséquence positive. Désormais assurés de leur subsistance ainsi que celle de leur descendance pour une ou deux générations, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont pu très vite s'affranchir de toute pression autre que créative et rester salutairement indifférents à toutes les tentations de déclinaison d'une formule figée. Construisant pas à pas une discographie qui alterne les "vrais" albums et les rencontres ponctuelles avec d'autres formes d'art (le cinéma pour la BO de Virgin Suicides, la poésie et la danse plus récemment), le duo réussit pour la troisième fois à séduire tout en surprenant. Bien que rattaché, par son titre, au même champ lexical ondulatoire que son prédécesseur, 10000 Hz Legend, Talkie Walkie ne se situe pas, en effet, sur la même fréquence. Largement recentré sur des tonalités acoustiques, souvent plus guitare que claviers, ce troisième épisode enchaîne avec grâce les figures de style les plus variées. À une ballade rétrofuturiste à la mélancolie poisseuse (le single Cherry Blossom Girl), succèdent ainsi sans crier gare un hommage à leur ancien graphiste en forme de fugue classique (Mike Mills) ou un tube electro galactique (Surfin On A Rocket), digne successeur de Sexy Boy, le tout baignant dans une atmosphère de décontraction sereine et d'intimité partagée. Et si les invités prestigieux se font rares, à l'exception de Nigel Godrich, metteur en son toujours royal, c'est que Godin et Dunckel n'ont nul besoin d'auxiliaires ou de faire-valoir pour poursuivre l'exploration d'un univers à la fois cohérent et éclectique. Et pour conclure avec brio un premier hat-trick presque parfait. (Magic)


Air risque et se dévoile, sans fard. Après avoir scruté la nostalgie (“Moon Safari”, 1998), l’exercice de style (la BO “The Virgin Suicides”, 2000), le futurisme dans sa phase électronique la plus désincarnée (“10 000 Hz Legend”, 2001) ou l’illustration sonore dans son mode le plus abstrait (le disque narratif Air/ Baricco, “City Reading...”, 2003), le duo se penche à présent sur le plus difficile des objectifs, qui consiste à se raconter. Pour la première fois de leur carrière, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin ont décidé de quitter les concepts, d’arrêter, en quelque sorte, de se réfugier derrière pour se pencher vers eux-mêmes, et livrer leur intimité. Cela ne pouvait passer que par la chanson. Oui, les deux amis chantent (Jean-Benoît pour l’essentiel) en anglais, et inscrivent ce nouvel album dans un format pop : des morceaux simples, courts, et des arrangements minimaux, très classe, conçus avec le producteur de Radiohead, Nigel Godrich. Néanmoins, aucune rupture cinglante n’est intervenue. On reconnaît Air, ce visage planant et mélancolique, et cette quête éperdue et si chère à Brian Wilson de la mélodie parfaite. Les références musicales parfois évidentes par le passé ont disparu, le tandem a osé et s’est trouvé. Il balade l’auditeur à travers des thèmes pop universels et intemporels, parcourus de ballades nostalgiques (“Cherry Blossom Girl”), de comptines futuristes (“Run”) ou de rêves émerveillés (“Surfin’ On A Rocket”, “Another Day”), tel le contre-pied parfait, voire nécessaire aux escapades morbides du précédent “10 000 Hz Legend”. Le chant, timide, pas encore assuré, insuffle à nos chercheurs de beauté une grande sensibilité. En réalité, Air ne s’est jamais montré aussi fragile, le choix du dépouillement ultime n’autorisait pas autre alternative, et ce même lors des instrumentaux du disque : le tendre “Mike Mills”, titre hommage au graphiste de “Moon Safari”, le clin d’œil à Ennio Morricone “Alpha Beta Gaga”, écrit à la demande de Madonna pour “American Life” (et finalement écarté de l’album par l’Américaine) ou le superbe “Alone In Kyoto” composé pour le film “Lost In Translation” de Sofia Coppola. Et partout ces arpèges de guitares espiègles, ces douces nappes synthétiques, ces dédales de petites sonorités électroniques, un jeu d’harmonie qui confirme que la patte du duo ne provient pas tant de sa production mais de son réel talent d’écriture. D’ailleurs, les deux garçons pourraient s’amuser à jouer en acoustique, intégralement, rien n’y changerait, non, leur identité ne serait pas bouleversée. Certes, la bienveillance omniprésente des morceaux de “Talkie Walkie” pourra lasser mais, avec ce disque, Air vient de définitivement boucler l’élaboration de sa personnalité. Et bien qu’ils n’aient jamais musicalement appartenu à ce courant, les seuls véritables survivants de la French Touch se trouvent ici. (Rock n folk)
Confirmation : la French Touch est bel et bien morte et enterrée. Et ce depuis quelques temps déjà. A l'époque, on avait vite fait de classer Air dans ce courant musical venu de nulle part. De nulle part ou de Versailles ? Il y a eu "Moon Safari", premier album aux allures de classique. Puis, en vrac "Virgin Suicides" (la magnifique Bande Originale du non-moins magnifique premier film de Sofia Coppola) et "10.000 Herz Legend", second véritable album qui n'avait rien à voir avec le précédent. On fera l'impasse sur "Everybody Hertz", "Barrico City Reading" et "Premiers Symptômes", inclassables.

Aujourd'hui, c'est "Talkie Walkie". Le meilleur album de Air, encore une fois. Car encore une fois, le duo mise sur la sobriété. Les chansons ne sonnent pas fourre-tout, loin de là, et nous n'avons pas droit à un étalage de toutes les techniques possibles et imaginables (merci). Juste un peu de guitare acoustique pour "Cherry Blossom Girl" (premier single diablement efficace), un peu de guitare éléctrique sur "Surfing On A Rocket" (second single similaire au premier), et du piano pour "Alone In Kyoto" (présent également dans "Lost In Translation", toujours de Sofia Coppola), qui clôt magnifiquement l'album...Peu de titres instrumentaux, même si le meilleur morceau de l'album en est un : "Mike Mills". Une merveille qui emmène loin. Seule ombre au tableau finalement, un "Another Day" qui, avec sa noirceur, fait quelque peu tâche dans le décor. Pour le reste, on ne peut que s'incliner devant le génie des deux compères, qui encore une fois, nous éblouissent. (indiepoprock)


Après un safari sur la lune, chassant les fauves sélénites avec un arsenal conçu par Bob Moog et la radio futuriste qui n'émet que sur les très grandes ondes, celles là même qui peinent à charrier les notes de Blur émanant de Beagle 2, Air revient avec, ô hasard, un album titré fort justement "Talkie Walkie", ramenant sur terre le duo franco-universel. Deux appareils à courte portée, qui servent à la communication des deux musiciens, qui cette fois ont délaissé la grandiloquence et la surproduction au profit de 10 morceaux en suspend, entre le ciel de Californie et les gratte ciels de Tokyo. Une bande son imaginaire, celle de la suite fantasmée de "Virgin Suicides", du retour à la simplicité et à la mélancolie aérienne, les arrangements de Colombier et les arpèges tombés des cumulo-nimbus aidant. Universal Travellers en partance pour Venus, Nicolas et Jean Benoît se sont séparés du trop plein de bagages acquis pour 10 000 Hz Legend, se délestant par la même occasion de leur machine à voyager dans le temps. Finis les aller-retour vers le futur et les téléportations, ils voyagent dorénavant sur Air TW, TWA pour les intimes, moyen de transport confortable et surtout que nous autres terriens pouvons pointer du doigt, sûr de savoir qu'ils reviendront un jour ou l'autre atterrir dans nos contrées. La première raison de croire que 2004 sera une année moins polluée, première bouffée d'air pur que l'on aspire à pleins poumons. (liablility)
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le 26 févr. 2022

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