Impossible d'assigner La Tène à une catégorie déterminée, diantre! Moi qui aime étiqueter les artistes sous un style réducteur, je me retrouve à court de mots. Pour faire simple, La Tène est un anachronisme. Expérimental, folk psychédélique, traditionnelle, drone, musique de chambre, c'est plus compliqué que cela. Le dernier projet en date du même calibre que j'avais eu la chance d'écouter officiait dans une musique qu'on pourrait qualifier de 'médiévale' (La Baracande). Les bougres de La Tène frappent plus fort : Tardive/Issime est dans un registre qui nous ferait remonter à une époque où l'Empire romain était encore unifié. Inutile de vous citer les instruments usités par le trio franco-suisse, vous seriez incapable d'y rattacher une sonorité précise. 'Fin bon, tant qu'on y est : la vielle à roue. Parlons-en, tiens! Cet ancêtre de la guitare s'actionne à l'aide d'une manivelle, et se joue à l'aide d'un archet. Rien que ça, un vrai casse-tête. Si l'on tentait un voyage dans le temps, au coeur de la France profonde du XVIe siècle, on aurait du mal à trouver un roturier quelconque sachant de quoi relève cet objet. Mais au-delà de la palette d'instrument, la musique en elle-même délivrée par La Tène est de toute beauté. Le martèlement perpétuel (façon de parler, les morceaux durent quinze minutes tout de même) des tambours et des cordes t'emporte dans une transe lente mais palpitante, uniforme mais captivante. La rythmique monocorde se fait de plus en plus intense au fil de chacun des deux morceaux. Les percussions battantes comme une pluie normande te font rentrer dans un état martial. L'harmonium installe en profondeur cette atmosphère carrément hypnotique, ses drone progressants discrètement et durablement la structure des morceaux.
En définitive, les trente minutes passées à écouter cette bizarrerie ont été un régal. Le drone suave résultant de la confrontation entre ces antiquités d'instruments ont assouvi ma soif de curiosité musicale surannée. Mais pas que. La Tène n'est pas seulement un groupe anecdotique à écouter pour parfaire sa culture musicale en matière de musique étrange : c'est véritablement un plaisir à écouter. Aussi simple que ça. On pourrait rentrer dans les détails, et décortiquer les compositions sous tous les angles, mais ce serait réduire La Tène au rang de simple groupe d'expérimentation, de laboratoire. Tardive/Issime m'a, avec surprise, charmé. Pas seulement intéressé, fasciné, comme la pléthore de disques expérimentaux qu'on écoute, qui nous intriguent, mais ne nous plaisent pas nécessairement à l'oreille. Non. Ce disque m'a véritablement conquis. Une pépite de musique traditionnelle que j'aurais tôt fait de qualifier 'pop' si j'en avais le pouvoir. Les variation sur la mélodie monocorde et lancinante des deux morceaux est prenante, alors je cherche pas plus loin.