"BLUE MONDAAAY !", c'est mon pote, bourré, qui hurle au fond de la cave. C'est ce que l'on pouvait entendre, ces 5 dernières années dans toutes les soirées Toulousaines à DJs. Les meilleures étant bien sûr celles où ils s'exécutaient et nous passaient le morceau parfait avant de ranger leur matériel. C'est l'hymne de mes aventures à Toulouse, qui, n'en déplaise à certains, est une ville qui bouge beaucoup. Mais pourquoi je vous parle de Blue Monday ? Parce que, contrairement à beaucoup, il n'a pas été ma porte d'entrée à New Order, non, moi, j'ai découvert NO grâce à Technique. Ça tombe bien c'est de cet album dont il est question ici.
A la sortie de l'album, cela fait presque 10 ans que New Order est le porte-étendard d'une génération d'adolescents dépressifs qui se noient volontiers dans les nuits de La Hacienda. C'est ce qu'on nommera plus tard le mouvement Mad-Chester. Le groupe de Bernard Summer voyage, entre Manchester et New-York, ruine Factory avec Blue Monday, et puis s'échoue à Ibiza en 1988. Là bas, ils enregistrent Technique en étant continuellement défoncés, par la drogue et par les pistes de danse. C'est pour cela que Technique ne ressemble à aucun autre album de New Order, et c'est pour cela qu'il est leur meilleure production.
D'Ibiza, ils intègrent les sonorités d'une Acid-House encore naissante, froide, agressive, sauvage. De Manchester, ils conservent les guitares, les mélodies tristement éclatantes et percutantes. Paradoxalement, Technique est l'album de New Order le plus froid et le plus humain, le plus déstructuré et le plus mélodique, le plus fataliste et le plus espérant.
L'introduction Fine Time est une perfection absolue, qui annonce le ton dès le départ avec des beats et des synthés venus tout droit de la planète Ecstasy, avec Summer qui débite des insanités en guise d'accompagnement, pour finir sur ce glas "You've gotta love Technique!". Oui, même si cette phrase ne nous est pas adressée, impossible de ne pas la prendre pour nous, car oui, nous allons aimer Technique. Et le morceau de se finir sur une des plus belles notes de guitare, mélodieuse, douce, gâchée par le bêlement d'une chèvre.
Voilà, en un seul morceau, vous avez compris Technique.
Déjanté, sale, morne, mais délicieusement mélodique. Les morceaux suivants, All The Way et Love Less, nous le prouveront. Synthés romantiques et guitares flamboyantes, c'est le mad-chester à son meilleur. Et Love Less de conclure "I worked hard, to give you all the things that you need, And almost anything that you see, I spent a lifetime working on you, And you won't even talk to me.", sublimation des 10 années passées.
Et puis, Round & Round. Violent, subtil, glacial, fragile. Parfait.
Technique surprend, sans cesse, il assène morceau sur morceau de la plus parfaite des manières, tantôt fermé, tantôt libéré, toujours mélodique, toujours dansant, hétérogène mais pourtant jamais déplacé, Technique fonctionne à l’instantané et ne s’essouffle jamais.
Il comporte quelques unes des meilleures fulgurances de mon paysage musical : la conclusion de Guilty Partner, la guitare qui suit "You work your way to the top of the world, Then you break your life in two." de Run, l'introduction, le refrain, le synthé, les claps et la boîte à rythme de Mr. Disco, le silence avant "My life ain't no holiday" de Vanishing Point, et l'espoir fébrile qu'est Dream Attack, alternant arpèges Mancuniens et beats de Détroit, pour annoncer "I don't belong to no one, But I wanna be with you.", qui sonne comme un hymne personnel.
Jamais je ne pourrai trouver meilleure déclaration d'amour.
Il y a un avant et un après Technique, dans ma vie comme dans la musique anglaise. Il annonce le second summer of love, les rave party et la fin du mad-chester. Il annonce Stone Roses, Screamadelica et Pills 'n' Thrills and Bellyaches.
Il enterre aussi les 80's et avec elles New Order, qui ne fera plus jamais mieux et qui fera toujours moins bien.
Il est parfait.
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