Ariana is back, bitch. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que sa productivité force l’admiration. Après deux années chaotiques marquées par la tragédie de son concert à Manchester, la mort de son ex Mac Miller (sans compter l’acharnement sur les réseaux sociaux dont elle a par la suite injustement fait les frais), ses fiançailles avortées avec Pete Davidson, la jeune artiste de 25 ans a fait preuve d’une force de caractère impressionnante pour surmonter ces épreuves et poursuivre sa carrière de la meilleure des manières. Deux semaines seulement après les attentats de Manchester, elle remontait sur scène pour l’émouvant concert caritatif One Love Manchester, avant de reprendre le cours de sa tournée mondiale.
Moins d’un an plus tard, Ariana Grande revenait avec son meilleur album en date, Sweetener, qui brillait par sa production léchée, ses refrains à l’efficacité chirurgicale et la diversité des styles abordés. Un vrai vent de fraîcheur dans la discographie de la talentueuse américaine, jusqu’ici cantonnée à une orientation plus "classic pop". Enfin, Ariana Grande pouvait sortir du stéréotype de la popstar féminine moderne, issu de la vision archaïque de la diva des années 80-90, tout juste bonne à chanter des chansons d’amour à l’eau de rose pour faire pleurer la ménagère aux heures de grande écoute sur chérie FM, et de l’esprit provocateur des années 2000, plus attaché à mettre en avant des corps de femmes dénudées qu’à véhiculer un véritable message artistique émancipateur.
Je prends volontairement le temps de détailler le parcours d’Ariana Grande dans l’espoir que certains de ses détracteurs prennent le temps de lire ces lignes. Non, ce n’est pas qu’une chanteuse à voix, et non, ce n’est en aucun cas une "pute de la pop" (terme abject s’il en est), à savoir une enfant gâtée sans mérite dont le succès doit plus à sa plastique qu’à son talent. Sous de nombreux aspects, Ariana Grande est une icône de la pop des années 2010, bande-son des débats de société actuels, vecteur d’un message féministe fort et libérateur.
A peine le temps de souffler après la sortie de Sweetener que celle-ci nous gratifie d’un nouvel opus, thank u, next. Moins de six mois se sont en effet écoulés entre les sorties des deux albums de la belle floridienne. De quoi se réjouir ? Ou de se méfier ?
Ready for take off
Ce qui frappe en premier lieu dans la tracklist, c’est qu’aucun feat ne figure parmi les 12 nouvelles chansons proposées par la chanteuse. Out donc, la bonne copine Nicki et le poto Pharrell Williams, Ariana voyagera cette fois-ci en solo.
Musicalement, thank u, next adopte une approche moins hétéroclite que son prédécesseur, mais comprend tout de même de nombreuses influences : reggae (make up), world (bloodline), cloud/synth (ghostin), mais aussi et surtout le rap, et plus précisément ce qui se fait dans la scène trap actuelle.
Et c’est ce qui fait de thank u, next un album pop solidement ancré dans le contexte musical actuel, où la trap américaine emporte tout sur son passage. Ariana s’est largement inspirée de ces éléments tout en gardant sa patte caractéristique, à savoir une voix brillante de mille feux, pour nous présenter un projet qu’on pourrait qualifier de trap pop. Cette fusion de style est à la fois présente dans les productions bourrées de hi hats frénétiques et de kick hyperprotéinés sur in my head, bad idea ou break up with your girlfriend, I’m bored, mais également dans la prestation vocale de la chanteuse, qui a ici mis de côté les exubérances de ses grandes envolées vocales, caractéristiques de ses premiers albums, pour un phrasé plus R&B/soul agrémenté de quelques passages rappés à la Migos (7 rings en est la parfaite illustration).
Et dans l’ensemble, c’est une réussite. Les morceaux sont plus épurés, plus directs, et la production (encore une fois) aux petits oignons donne à chaque piste une identité bien marquée. Certes, la chanteuse ne sort pas des sentiers battus au niveau des paroles (amour, relations, ruptures… mais comment pouvait-il en être autrement après tout ce qu’elle vient de vivre ?), et quelques titres passables comme bloodline ou make up rendent l’écoute parfois un peu longue, mais Ariana Grande nous offre tout de même ici un album honnête, solide, et rempli de bangers trap pop ultra efficaces comme NASA ou 7 rings, mais aussi de hits plus classic pop comme Imagine ou la chanson titre thank u, next.
Moins aventureux que son prédécesseur, thank u, next reste inférieur à Sweetener mais saura trouver une place de choix dans la discographie de la talentueuse américaine. Et vu les cartons des singles promotionnels, sa place d’icône de la pop des années 2010 devrait être encore un peu plus cimentée.
- En quelques mots : La synthèse du paysage musical populaire de la
fin des années 2010
- Coups de cœur : NASA, ghostin, 7 rings
- Coups de mou : bloodline
- Coups de pute : RAS
- Note finale : 8-