Avant la sortie du premier volet de The 20/20 Experience, personne ne pouvait vraiment prédire la tournure qu’allait prendre une carrière qui semblait partir dans tous les sens pour un Justin Timberlake bankable à souhait, ce qui n’était pas forcément de bon augure pour la suite de sa carrière musicale. Acteur demandé, businessman, BFF de Jimmy Fallon, autant de palliatifs que l’on pourrait penser l’avoir éloigné d’une ambition musicale qui s’était affinée avec "FutureSex/LoveSounds", sorti il y a déjà de cela sept années.

Puis au printemps 2013, deux oeuvres majeures allaient être mises à disposition du public, et changer la face de la culture pop et mainstream de manière radicale. Au cinéma, le "Spring Breakers" d’Harmony Korine obligeait des hordes de teenagers à voir sur grand écran la déconstruction WTF du grand rêve américain ayant justement fait naître les Gomez et Hudgens, chef d’oeuvre post-moderne sur une transience pop, et la fascination de notre société pour les extrêmes. Et la musique dans tout ca ? Justin Timberlake s’est chargé quant à lui d’élever les débats avec cet album exigeant comme aucun autre ces dernières années.

Malgré sept ans de hiatus musical, l’attente autour d’un nouvel album de JT est considérable, d’autant que la sortie du premier single “Suit & Tie” ne pouvait vraiment laisser présager d’un tel raz-de-marée. Car "The 20/20 Experience" est une vague successive et constante de toute une théorisation de la pop moderne, ici déclinée sur dix titres aux identitées résolumment différentes, mais aux portées bien réelles. Avec la majorité des titres durant plus de sept minutes (du jamais vu pour un artiste d’une telle notoriété), Justin Timberlake profite de son nom pour drainer un public vers une abstraction conceptuelle de sa musique. Une posture hallucinante et une prise de risque formidable pour l’un des plus gros artistes de la planète.

Si chaque chanson démarre de façon classique et attendue, entraînante sans être tapageuse, celles-ci finissent par s’étirer et se déformer, rassemblant de multiples issues au sein d’un même espace-temps, comme en attestent les formidables « Strawberry Bubblegum » ou « Let The Groove Get In ». Justin allonge ses gimmicks au point de transformer sa musique comme matière plutôt que produit, la rendant malléable et flexible jusqu’à un niveau de conceptualisation impensable pour un artiste mainstream. Et pour ne rien gâcher, Justin Timberlake parvient à garder cette intégrité identitaire qui le caractérise en rendant, sur "The 20/20 Experience" plus que jamais, l’acte romantique comme un idéal authentique et inaltérable, postulat sublimé par un “Mirrors” inégalable.

Aux côtés de "Human After All" de Daft Punk, "The 20/20 Experience" restera, sans commune mesure, comme l’oeuvre majeure de pop post-moderne de ces dix dernières années.
Kristoffe
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le 17 janv. 2014

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Kristoffe

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