Il faut que je vous dise à quel point j'ai de l'estime pour ce vinyle. En fait, tout comme vous, j'ai longtemps entendu un morceau de Fred McDowell sans savoir qu'il en était l'auteur. C'est le dernier morceau de la face une de Sticky Fingers, le meilleur album des Stones. Quand vous êtes bien imprégné de "Sister Morphine", que vous avez chevauché "Wild Horses" et que vous avez bien sauté au rythme de "Brown Sugar", il reste cette petite perle, un peu décalée, sur l'album: "You gotta move" un morceau qui vous pénètre le cerveau et qui s'insinue en vous sans crier gare, pour ne plus jamais vous quitter... C'est l'effet McDowell !
Alan Lomax c'est un musicologue, avec ethno devant, ça vous plante le bonhomme. De plus, c'est un homme de goût, une intelligence. Il va donc parcourir le monde à la recherche de sons authentiques et les garder en mémoire sur des enregistrements. L'Amérique l'intéresse aussi, les chants du peuple noir, les blues.
En 1959, à Como, dans le delta du Mississipi, il rencontre les frères Youngs et les enregistre, ils lui parlent de leur voisin Fred McDowell, justement, il arrive des champs, avec sa salopette, la guitare n'est pas loin... Après quelques essais un rendez-vous est pris, le résultat c'est cet album, enregistré pendant trois jours, en extérieur. Son jeu de slide guitare, dans le plus pur style "bottleneck", est très brillant et coloré, assurant une assise rythmique sans faille. C'est du velours pour Fred qui déploie son chant rempli d'émotion et de naturel, la simplicité s'élève ainsi au rang d’œuvre d'art, indépassable. De temps à autre, son épouse chante en background et l'on raconte qu'au moment de se quitter un frisson parcourut l'assemblée lorsque l'assistante de Lomax embrassa Mme McDowell, en effet c'était la première fois, qu'à Como, une femme blanche embrassait en public une femme noire.