Il aura fallu trois ans à The Autumns pour achever la réalisation de ce deuxième album. Et si celui-ci est éponyme, on peut gager que c'est pour mieux réaffirmer son identité et sa foi dans la musique qu'il propose. C'est ainsi qu'après la sortie de l'anecdotique Le Carillon, maxi consacré à la pop des 50's, et la faillite de son label Risk (sic) Records, le groupe reprend son propos là où il l'avait laissé en 1997, à l'occasion de la sortie de l'introductif The Angel Pool. Cette bande de grands romantiques originaires de Los Angeles nous convie donc à de longues promenades, mélancoliques ou cruelles, dans quelques profonds sous-bois. Loin de se restreindre à une écriture homogène comme les trois premiers titres peuvent le laisser présager, The Autumns s'autorise quelques traversées parallèles, prenant le temps de ramasser sur le chemin les larmes de Cocteau Twins et trois notes égarées par The Church. Si le groupe n'évite pas chaque sentier balisé et se blesse parfois sur les pièges posés par les chasseurs de l'industrie du disque (les violonades post-rock sont en passe de devenir un poncif), il parvient finalement à imprégner l'auditeur de sa tendresse touchante pour les ambiances pastorales et les parfums de contes de fée. Les envolées lyriques du chanteur Matt Kelly viennent rappeler au public cynique qu'une musique ne peut être totalement dénuée d'intérêt lorsqu'elle est produite avec passion, sincérité et érudition.
The Autums, à la rigueur The Winters : un groupe de saison, donc, et un disque qui pourrait bien devenir la bande-son des crépuscules hâtifs, des replis moelleux dans la laine et les canapés-feu de bois. Quand on découvre les chansons épiques et anxieuses des Américains, on pense immédiatement aux hymnes déchiquetés de Lift To Experience, eux aussi locataires du label Bella Union. Ce romantisme patraque, cette ambition de fermiers fous, cette furie contenue en quelques ballades étincelantes, cette électricité qui se déclenche ensuite en rafales, ces Californiens les ont sans doute envisagés à travers le même prisme : chez Jeff Buckley, évidemment, chez Scott Walker ou dans la pop tourmentée de quelques Anglais éthérés du siècle dernier ? de My Bloody Valentine aux Cocteau Twins. Mais une profusion d'arrangements somptueux, une science captivante du contre-chant, une guitare prodigieuse et un falsetto troublant ont tôt fait d'anéantir toute envie de rangement : dans la démesure et la passion, The Autumns passeront l'hiver. (Inrocks)