Par Fred Hanak
Le joyau le mieux gardé de l'écurie Ed Banger (qui fait, malgré tous les quolibets des affamés, du bon boulot), c'est Krazy Baldhead, de son vrai nom Pierre-Antoine Grison. Musicien rangé à Paris, originaire de Marseille, il livre son premier LP, The B-suite, album découpé en quatre mouvements, eux-mêmes divisés en plusieurs pistes. Adeptes de rythmes lourds mais concis, de programmations futuristes et d'orchestrations classiques (d'entrée de jeu avec les quatre tranches oniriques du premier mouvement qui se terminent sur un « coucher de soleil ». Baldhead maîtrise autant la posée de pianos que les avalanches de synthés funkadéliques. Inspiré de plusieurs thèmes, mais n'y restant pas de manière trop plaquée, il lève somptueusement les sonorités profondes (pour exemple le troisième titre du premier mouvement, sorte de rêverie intrinsèque au touché electronica subtil) et les bits tranchants. De fait, le premier mouvement se conclut dans un déchaînement organisé, dont les rythmiques sont le squelette énigmatique et mutant tandis que les synthétiseurs vrombissent leurs feux minimalistes. Pas une seule rature ne vient entacher le travail de ce chauve qui cumule les strates sans jamais devenir oppressant, tandis que l'on découvre ici et là des moments de plénitude intense (le deuxième mouvement, où poésie et rigueur se frôlent le cul).
Marqué par le jazz, la musique classique ou faiseur de funk électronique (le single Sweet night, un petit bijou) ou de breakdance, KBH révèle des talents de musicien décomplexé, entouré d'un tutti orchestral d'une véracité saisissante. Sur la durée, l'intensité, la hauteur et le timbre, l'acrobate rangé bien au chaud chez Ed s'éloigne fortement des considérations commerciales de son écurie. Après le raz de marée compressé de Justice, la plénitude des ambiances lancinantes de The B-suite purifie le cerveau. (...)
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