Les premières photos de The Polyphonic Spree en longues robes blêmes, l'origine texane de cette fanfare, ses manières inquiétantes de société secrète et la blancheur absolue de ces musiciens pourtant nombreux (vingt-quatre) créaient le malaise : et si, comme le chantaient autrefois les Ramones, le Ku Klux Klan avait enlevé le bébé? Les premières interviews du fondateur de cette secte sexy, Tim DeLaughter ("Tim de Poilade", bon signe ) levaient immédiatement le doute : The Polyphonic Spree prêchait uniquement la bonne vieille parole du "peace and love", avec un sourire malicieux en coin, qui repoussait fermement la nunucherie "flower power". Dès sa sortie en Grande-Bretagne, l'année dernière, le premier album du groupe, The Beginning Stages of , soldait définitivement toute suspicion : il fallait vraiment aimer l'humanité pour chanter avec une telle ferveur, une telle béatitude, des chansons aux titres aussi babas que "Des jours comme celui-ci me font chaud au cœur". Mais l'ironie, la démesure et l'excentricité de cette chorale prévenaient d'entrée : nous n'étions pas ici chez Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Sombres, menaçantes, possédées, ces longues pièces pour voix mixtes, cors anglais, orgues religieux et synthés d'Ancien Testament évoquent plus la collision entre Mercury Rev et un défilé Krishna qu'une kermesse de culs-bénits. Enfin disponibles aujourd'hui en France, ces vastes psalmodies polyphoniques continuent d'émerveiller, atteignant une ampleur et une intensité simplement envisagées par tous ceux qui, dans la foulée de Brian Wilson et de ses Beach Boys, ont tenté d'apprivoiser dans les nuages ces symphonies de poche. Car les Texans, franchement illuminés de l'intérieur et donc totalement castrés d'inhibitions, osent ces hymnes enfiévrés et malades qui ont si régulièrement échappé aux doigts pourtant doués et tordus des Spiritualized, Beta Band ou Flaming Lips. Quitte à totalement larguer les amarres dans les trente-six minutes hallucinées d'un A Long Day qui présente Brian Eno à la famille Manson. Ce printemps, la robe se portera blanche et longue. (Inrocks)
Oui, la pochette intrigue. Inquiète, même... Mais non, The Polyphonic Spree n'est pas une secte. En tout cas, c'est ce que ces gens originaires d'Austin, Texas, laissent entendre. Ne soyons point suspicieux et croyons en leur... bonne foi. Ainsi, voilà juste un groupe (heu, pour vingt-quatre membres, peut-on encore employer ce terme ?) certainement un peu toqué, dont le gourou, pardon, leader, répond au doux nom de Tim DeLaughter. Mais faites abstraction de ces robes blanches, de ces visages parfois inquiétants, fermez les yeux et plongez dans le monde merveilleux de The Polyphonic Spree. Cors de chasse, trombone, flûte traversière, instruments à cordes, percussions diverses et une guitare y cohabitent joyeusement pour donner naissance à des comptines enfantines mutantes (Have A Day/Celebratory), des gospels psychédéliques multicolores (Hanging Around The Day Part 1 & 2) ou quelques OVNI musicaux, comme ce rock bancal mais jouissif qu'est La La ou A Long Day, mantra bruitiste et inquiétant de quelque trente-six minutes ponctuant ce disque radieux, majestueux et délicieux. Pourtant, malgré toutes ces incongruités, on trouve plutôt aisément ses marques dans cet univers surréaliste, qui suggère ceux déjà imaginés par deux autres cinglés notoires de la pop hallucinogène, Brian Wilson et Wayne Coyne des Flaming Lips. C'est vous dire, dès lors, si ce The Beginning Stages Of The Polyphonic Spree s'apparente à une vraie partie de plaisir. Qui, pour ne rien gâter, ne fait que commencer (Magic)