The Bribe par Messiaenique
Piocher un disque dans la galaxie John Zorn n'est pas chose aisée. À raison, les amateurs recommanderont certainement l'écoute de Naked City, sorti en 1990, album-phare du saxophoniste américain. Ceux qui recherchent une porte d'entrée tout aussi agréable et grisante ne se tromperont pas en choisissant The Bribe comme terrain de jeux musicaux. L'album promet l'un des disques « les plus éclectiques et stimulants » sortis par Zorn – et on peut dire que le line-up promet effectivement beaucoup : on y retrouve notamment Zeena Parkins (harpe), Anthony Coleman (piano), Christian Marclay (platines) et de temps à autre Ikue Mori aux machines. Restez calés dans vos sièges les amis, car l'affiche de ce soir colle une sacrée claque.
À l'origine, ces trois programmes enregistrés en 1986 sont destinés à accompagner autant de pièces radiophoniques, puis une pièce de théâtre dans la foulée. Hors des cartons, cette archive se révèle être une véritable aubaine pour les amateurs de pots-pourris musicaux, avec ses vingt-six pistes qui partent tous azimuts. De l'intro jazzy de la première partie « Sliding on the Ice », on passe ainsi d'expérimentations électro-acoustiques à de la musique de jeux vidéo, de la fusion jazz-rock style Zappa semblant se dégonfler sur une musique de film soft pour mieux partir à nouveau en sucette, et des samples cartoonesques qui précèdent d'autres expérimentations bien senties. Le rythme est enlevé, les pistes assez courtes. On respire, ça bouge.
Si la seconde partie, « The Arrest », paraît plus sombre et moins éclatée – en particulier par la présence d'un morceau plus atmosphérique d'une douzaine de minutes, rien ne semble cependant échapper à la règle de la digression. Quand la troisième partie « The Art Bar » entame son thème rétro de film noir, chaud et humide – bref agréable, rien ne indique que ce chemin nous mène à du rock un peu cliché en guise d'introduction à davantage de manipulations sonores. En bref, l'amateur retrouve tout au long du disque ce qui caractérise la musique de John Zorn, mélange habile de groove, d'improvisation et de dissonances, avec le coup du chapeau habituel – Morricone, Herrmann, Stalling.
Tout se fait ainsi dans une urgence vaudevillesque. On passe du coq à l'âne en évitant la chute d'enclumes dans une énergie de tous les instants. Ce fourmillement d'idées n'en est pas moins un kaléidoscope de timbres et de sonorités qui offre de très belles découvertes, au-delà du simple plaisir d'écoute. Si John Zorn ne propose pas toujours des trésors cachés, The Bribe s'avère être un must-have pour tous les zorniens.
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