The Campfire Headphase par Crocodile
Il est toujours extrêmement compliqué pour un groupe qui a acquis le statut de superstar sans pour autant sortir de son positionnement indépendant de changer. Quand je le dis, je pense à deux groupes écossais. Le premier, c'est Mogwaï, qui parvient à chaque sortie d'album à déclencher des critiques de leurs fans tout en pouvant s'appuyer sur d'autres fans qui répondent toujours présents même s'ils avaient 3 ans à la formation du groupe. L'autre groupe auquel je pense c'est Boards of Canada.
En 2005, quand sort 'The Campfire Headphase' après une attente qui aura semblé interminable l'album reçoit un accueil très mou et mitigé. Pour ma part je trouve que 'The Campfire Headphase' est le meilleur album du groupe et qu'il s'impose naturellement comme un modèle du genre.
Comme toujours chez Boards of Canada il y a ces nappes de synthétiseurs analogiques bourrés de filtres, ce beat lent, les élans nostalgiques d'époque qu'on n'a même pas forcément vécues. Je n'ai jamais vu une fusée décoller, en 1980 je n'étais pas né... et pourtant en écoutant Boards of Canada je vois des manoeuvres spatiales entrecoupées de publicités pour des concessionnaires de voiture, je me vois au bord d'un lac filmé en Super 8...
Boards of Canada a su se créer un genre musical à part entière, balisant un pan entier de la musique électronique qui leur sera toujours rattaché. De Clark à Oneohtrix Point Never en passant par Para One ou Principles of Geometry la référence au duo canadien est inétivable.
Quand un groupe atteint un statut quasi-légendaire il lui devient difficile de sortir un nouvel album. Faut-il faire ce qu'attendent les fans (dont une moitié vous accusera à coup sur de faire encore la même chose) ou faire quelque chose de différent (au risque de dérouter)?
'The Campfire Headphase' ne se pose pas vraiment la question. Trente secondes d'écoute suffisent pour se dire qu'on est à la maison. C'est bien Boards of Canada, beat minimal, nappes de synthés brumeuses et nostalgie lyophilisée. Mais l'album explore de nouveaux territoires. Dès la seconde piste la guitare folk fait son entrée, et elle ne quittera plus la palette sonore de l'album. Plus fort que tous les groupes qui ont joué à la façon de Boards of Canada mais en rajoutant une guitare, on assiste donc à une démonstration de Boards of Canada avec de la guitare dedans.
La forte coloration folk de l'album et son ton relaxé évoquent sans grande peine une soirée d'été au coin du feu, une après-midi dans l'herbe. Mais filmé en Super Huit, ou à la rigueur sur VHS, on reste chez le duo canadien de chez Warp.
N'écoutez pas les fans de la première heure qui ne jurent que par le minimalisme de Twoism ou les bad-trips planants des premiers albums, The Campfire Headphase est l'album ultime de Boards of Canada, un joyau.