The Composer of Desafinado, Plays par FrankyFockers
Antonio Carlos Brasileiro de Almeida Jobim naît à Rio le 25 janvier 1927. Ses parents emménagent rapidement dans le quartier d'Ipanema, en bord de mer, où le passage quotidien d'une jeune et belle femme lui inspirera, quelques années plus tard, son plus grand succès. Fils d'une famille aisée, il s'intéresse très tôt au sport et à la musique. Il commence par la guitare et l'harmonica avant d'apprendre le piano dès quatorze ans. Son professeur, allemand, l'initie à la musique classique européenne, à Debussy, au dodécaphonisme... Dès le milieu des années 40, il ne se consacre plus qu'à la musique, commence à jouer en piano bar avant de composer et arranger pour différents chanteurs de Continental Records. A la fin des années 50, il collabore avec Joao Gilberto et Herbie Mann, puis rencontrera Stan Getz avec qui il enregistre début 1963 l'album du succès, le fameux Getz / Gilberto où l'on retrouve déjà de nombreuses compositions célèbres de Jobim, dont plusieurs figurent également sur The Composer of Desafinado, plays, enregistré la même année et paru sur le label Verve.
Ce disque est le premier que Jobim sort sous son seul nom. Il y avait bien eu Brasilia – Sinfonia da Alvorada en 1960 mais le disque était cosigné par le poète brésilien Vinicius de Moraes, et relevait plus du projet particulier (cinq plages pour orchestre symphonique). Il n'a d'ailleurs jamais été réédité en CD. Jobim enregistre The composer of Desafinado, plays à New York les 9 et 10 mai 1963. Il est compositeur de tous les titres (12 au total) même s'il est parfois épaulé de compositeurs additionnels ou de paroliers dont de Moraes (car, si cet album est entièrement instrumental, la plupart des chansons ont été créées avec du texte, versions que l'on peut retrouver sur d'autres enregistrements). Au niveau de l'instrumentation, Jobim joue à la fois du piano et de la guitare acoustique, s'accompagnant de flûte, basse, trombone et d'un orchestre à cordes conduit et arrangé par le renommé Claus Ogerman. Au moment de l'enregistrement de l'album, Jobim n'avait pas touché un piano depuis plus d'un an, préférant se consacrer à la composition et continuant à jouer de la guitare. Forcé de s'y remettre pour The Composer of Desafinado, plays où le piano joue un rôle prépondérant, il décida, sans doute par hésitation, par manque de confiance en soi, de rester très près de ses lignes mélodiques, refusant le maximum de variations, en utilisant le moins de notes possibles, et parfois une seule comme dans la chanson Samba de uma nota so qui, comme son nom l'indique, est basée sur une seule note de piano. C'est justement cette interprétation si particulière qui donnera tout le cachet, toute la force de l'album. C'est ce qui deviendra tout simplement le style Jobim. En plus de cette chanson, l'album fourmille de standards, de tubes imparables qui sont depuis devenus des monuments, faisant parti de la mémoire collective, inscrits dans le cerveau de chaque mélomane de la planète, à commencer bien sûr par The Girl from Ipanema, une des chansons les plus célèbres du monde, mais aussi Agua de Beber, Insensatez (How Insensitive), Corcovado, Meditation, So danço samba ou encore Desafinado qui donne son titre à l'album et qui était, avant même la sortie du disque, le porte-drapeau de ce nouveau mouvement musical, la bossa nova, auquel Antonio Carlos Jobim allait vite donner ses lettres de noblesse et qui allait retentir comme une véritable révolution dans l'histoire de la musique américaine. Si sa collaboration avec Stan Getz le rendit célèbre, il ne doit son succès qu'à ses chansons, et notamment Desafinado qui lança une nouvelle mode et un nouveau style. A l'époque de l'enregistrement, Jobim, âgé de 36 ans est déjà un grand compositeur. Il met l'accent à la fois sur l'harmonie, la mélodie et les arrangements, mêle la nouveauté aux racines traditionnelles, le jazz américain, le classique européen et le songwriting brésilien du début du siècle aux rythmiques empruntées à la samba. Sa musique doit tout autant à Debussy qu'à Gershwin ou Cole Porter et sait se faire urbaine et bucolique, naturelle et sophistiquée, brute et langoureuse, joyeuse et triste... Tout cela dans un seul et même élan.
Lorsqu'il meurt d'un cancer le 8 décembre 1994 à New York, après une carrière aussi longue que riche, le gouvernement brésilien décrète un deuil national de trois jours. Aujourd'hui, 40 ans après la sortie, The composer of Desafinado, plays n'a pas pris une ride et se révèle toujours aussi jouissif et moderne. Comme la totalité de la discographie d'Antonio Carlos Jobim qui reste, à n'en pas douter, l'un des plus émouvants compositeurs du vingtième siècle, ayant toujours su jongler avec beaucoup de dextérité entre musique savante et musique populaire.
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