C'est le craquement d'un vinyle qui se charge d'ouvrir et de fermer The Crying Room dans son édition Cd. Cette imperfection rappelle combien les albums de Perry Blake ont longtemps souffert d'un budget réduit et d'une nature digitale, où les synthétiseurs et les squelettiques logiciels audio se chargeaient de mimer l'orchestration des cordes et des vents, indispensa-ble au standing du crooner éploré. D'apparence assumée, le spleen dilué sur ce nou-vel album semble toutefois plus écartelé que jamais entre une résolution aux mar-ges (et la tentation de jouer trop systématiquement de son statut de perdant magnifique) et une envie d'apprivoiser toujours plus sobrement la déréliction, pour en extraire des aspects minutieux au lieu d'en amoindrir la portée. Un équilibre pré-caire où le fil peut se rompre à tout moment. Différent de l'extraverti California (2002), où Perry Blake risquait le tout pour le tout avec un certain panache, son qua-trième Lp démarre avec le morceau The Crying Room, sans doute l'un de ses plus beaux, dans la lignée du discret et fort Wise Man Blues, qui concluait l'ambitieux Still Life (1999). Derrière ce calme éploré se joue un combat perpétuel entre la retenue et le lieu commun. Il est interrompu par quelques plages joliment kitsch (These Young Dudes aurait pu atterrir sur un de ces albums agréables d'Al Stewart ou Elton John, quelque part au milieu des années 1970, et le chouette New Year's Wish sur un des rares bons disques de Sade). D'autres tentatives rompent le charme (un impossible clavecin, en introduction de If You Don't Want Me). Là où certains n'y verront qu'un confinement classieux, The Crying Room parvient plus d'une fois à démontrer que Perry Blake n'a pas entièrement apprivoisé ses démons. (Magic)
De la musique récente de Perry Blake, on avait gardé le souvenir de chansons trip-hop vaguement lénifiantes, transparentes. Même sa voix, superbe, se perdait au milieu de cette mise en scène, écrasée d'effets dans une quête dérisoire de tonner comme le grand Scott Walker.
Sur The Crying Room, Perry Blake fait table rase de ses tics irritants : exit le groove artificiel, les effets clinquants, plus rien ne vient gâcher le plaisir et l'intimité. Il a renoncé à l'électronique ramenarde pour jouer une musique beaucoup plus organique, et ses chansons ont ainsi retrouvé la chaleur et la profondeur qui leur manquaient depuis son premier album de 1998. Des ballades douces et tendres (If You Don't Want Me, The Crying Room), parfois mélancoliques (Forgiveness), dont la simplicité est ce qui pouvait arriver de mieux à sa voix, débarrassée d'atours inutiles, grandiloquents ou sépulcraux. Au contraire, elle se fait caressante, langoureuse, se rapprochant ainsi du timbre envoûtant de celle de David Sylvian, modèle avoué. (Inrocks)
Primo, ne jamais croire les éloges trop hâtives. Secundo, assumer ses contradictions. Je suis sûr que ceux qui, comme moi, se sont précipités sur le dernier opus de l'Irlandais mélancolique comprendront ! Cinquième album de Perry Blake, "The Crying Room" ne bouleversera pas la carrière de son géniteur, ni le sens même de ma vie. La demi-heure quasi parfaite annoncée en promo sur l'emballage est une exagération. Perry Blake ne fait ni mieux, ni pire qu'auparavant. Il n'a pas trouvé subitement l'état de grâce ou cet accord parfait capable de me faire crier au génie. Il fait du Perry Blake avec cette constance et cette élégance intemporelle qui le caractérise. Comme avec ses précédentes productions, la patience sera votre plus sûr allié si vous souhaitez vous enfoncer dans cette musique comme dans un fauteuil moelleux. La distraction ne sied pas à ce genre d'album qui flirte parfois avec l'easy listening, mais qui n'en est pas. Non, vous entrez dans ce disque comme dans une cathédrale, vous admirez la hauteur de la voûte, l'élancement de la nef, la lumière diffuse. Dans cet atmosphère de recueillement, un murmure monte, puis un chant quasi liturgique remplit l'espace. "The Crying Room" vous révèle, alors, sa beauté par petites touches successives sans vous brusquer le moins du monde. Alternance de ballades intenses ("The Crying Room", "Forgiveness", "If You Don't Want Me") et sirupeuses ("I got What I Wanted", "Blue Sky Calling"). Il est comme ça Perry Blake, à la fois touchant et un peu chiant. Il possède ce talent incomparable pour les mélodies fluides qui montent droit au ciel. Seulement, il se complaît un peu trop dans le clair-obscur. Que voulez-vous, cet homme est un esthète, un vrai, pas un dandy au sens maniéré et vain du terme. Petit-fils de Scott Walker et des Bee-Gees, il a pour voisin de palier un autre crooner éthéré, Jay Jay Johanson. On l'imagine volontiers avec Françoise Hardy arpenter la campagne irlandaise entre deux averses. D'ailleurs, le bougre ne s'est pas fait prier pour lui écrire des chansons, ainsi qu'à Emilie Simon.
Tout en volutes majestueuses, ce disque renoue avec une formule éprouvée depuis "Still Life" : arpèges de piano, guitares acoustiques, tempos languides et chœurs crémeux, ses fidèles compagnons de route toujours à ses côtés (Marco Sabiu, Glenn Garett). Simplement, j'aimerais bien qu'il se secoue un peu l'ami Perry, comme sur "California", disque incompris qui reste à ce jour son plus ambitieux. Après quarante minutes de génuflexion devant cet autel des pleurs solitaires, ce disque glacé me ferait presque oublier qu'il fait beau dehors. Faut-il encore frissonner pour Perry Blake ?(Popnews)
Après le décevant "California" dans lequel le crooner de poche Perry Blake s’aventurait vers un mélange groove/soul que sa voix seule n’arrivait pas à sauver, la page avait été rapidement tournée avec "Songs For Someone" qui retrouvait l’élégance de ses débuts, à la fois doux et amer, aux arrangements riches et pourtant fragiles.
Fragile. C’est bien ce qui caractérise ce nouvel opus, car à l’instar d’Emiliana Torrini l’année passée, Perry Blake s’est dépouillé des enluminures pour toucher plus profondément nos âmes. Un simple piano, une guitare acoustique, des violons lointains et le voici qui nous ensorcelle de son timbre délicat, vaporeux et sensuel. Fragile. Parce que l’on sent partout cette mélancolie, héritée de Nick Drake ou Scott Walker… Tout n’est pas toujours rose dans la chambre des pleurs de cet éternel dandy qui d’une mélodie vous donne le grand frisson. Fragile. Parce qu’aujourd'hui seul contre tous, séparé de Naïve pour sortir ce nouveau volet sur son propre label, Blu Orchard, il réalise un album à la qualité désarmante. Nu, comme l’arbre qui illustre la pochette, il est pourtant chaleureux, intime, poétique, fusionnel. A se procurer donc ! (indiepoprock)