The Devil And I
7.3
The Devil And I

Album de Lone Wolf (2010)

Il y a trois ans, sa jolie voix enturbannée dans les cordes d’une guitare et d’un violoncelle, Paul Marshall publiait Vultures, un premier album acoustique qui lorgnait en direction de Nick Drake mais en demeurait toutefois clairement à distance. Comme tant d’autres avant lui, ce jeune songwriter de Leeds voyait son étoile pâlir à mesure qu’on tentait de la comparer à l’astre inaccessible de Tanworth-in-Arden, ce qui n’est jamais un cadeau à faire à un apprenti voltigeur folk, tant cela aura immédiatement pour effet de lui rogner les ailes.Prudemment, Marshall a donc décidé de rompre lui-même avec cet embarrassant fardeau, choisissant désormais d’officier sous le nom de Lone Wolf et de repartir de zéro, s’expatriant au passage en Suède pour y enregistrer The Devil and I, “second premier album” cette fois moins susceptible d’attirer d’intimidantes comparaisons. Rassurons sa famille et les deux ou trois égarés qui firent l’acquisition de Vultures, cette métamorphose en loup solitaire n’en est qu’à moitié une, car Marshall n’a pas non plus complètement bouleversé ses plans. Il suffit d’ailleurs d’écouter le très distingué Russian Winter, une cello song enfin comparable à celle de son modèle, pour en déduire que son masque l’aura avantageusement désinhibé.Avant de se replier ainsi dans les voilages acoustiques, Marshall aura d’abord joué au paon, sortant les trompettes conquérantes sur This Is War, péplum d’ouverture qui le positionne non loin de ses compatriotes Wild Beasts en terme de pedigree. Sur le single en escalier Keep Your Eyes on the Road, qui démarre sous une fine rosée pour terminer en déluge, on songe en revanche aux fresques épiques de Crosby, Stills & Nash (and Young), ici transposées sous les lambris suédois. C’est d’ailleurs par son goût des harmonies ravageuses, souvent passionnelles, que Lone Wolf évite l’écueil du misérabilisme qui piège tant de chanteurs folk contemporains. A l’image de John Grant, l’autre merveilleux émissaire du label Bella Union cette saison, il y a dans les chansons de Marshall une fougue, un engagement et une fièvre qui dépassent – voire explosent – les frontières ordinaires du folk pour s’aventurer ailleurs, multipliant les tableaux aux orchestrations orgueilleuses et aux élans romanesques.Moins immédiatement séducteur que celui de Grant, l’album de Lone Wolf, grâce à des morceaux de bravoure comme Buried Beneath the Tiles ou la chanson-titre, qui se déploie en deux parties, sera à la longue l’un des moyens les plus sûrs d’élévation et de transport que l’on aura l’occasion d’emprunter cette année. (inrocks)

bisca
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le 5 avr. 2022

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