Avec Neon Golden, leur cinquième album sorti il y a six ans, The Notwist avait accompli une métamorphose semblable à celle opérée par Radiohead avec Kid A : propulser sa musique dans un ailleurs aussi stimulant que difficilement qualifiable. De la pop avec des textures électroniques ? De la musique électronique avec des arrangements pop ? Plutôt une fusion très personnelle, matinée de post-rock, de laptop, dont on sut, à la première écoute, bercé par la voix atonale et monocorde de Markus Acher, qu’elle marquait une avancée importante, pour l’époque et pour le groupe. “J’ai été très surpris et heureux de la réception du disque, en particulier par des pays en dehors de l’Allemagne. Ça nous a ouvert pleins de nouveaux horizons”, explique Acher avec cette diction lente, apaisante qui est devenue une des signatures du groupe. Succès public et critique, vite élevé au rang de classique de la musique électronique, ce disque ciselé pendant quinze mois en studio fit en effet du groupe la tête de proue d’une scène musicale munichoise effervescente (notamment grâce aux productions du label Morr Music) et donné une nouvelle impulsion à Notwist, dix ans après ses débuts. Le groupe qui multiplie les projets parallèles (Lali Puna pour Markus Acher, Console pour Martin Grestchmann, Tied & Tickled Trio pour Martin Acher etc..) devient emblématique d’un son et d’une époque. A ses débuts pourtant, The Notwist, composé par les frères Acher et le batteur Martin Messerschmind, est un groupe influencé par le punk et le hardcore que rien ne distingue particulièrement des autres, si ce n’est le chant particulièrement frêle et fluet pour le genre, de Markus Acher. Les deux premiers albums du groupe, Notwist (1989) et Nook (2002), passent inaperçus. “Cette influence hardcore était le reflet de la musique que nous écoutions à l’époque, raconte Markus Acher. Nous avions grandi à Wilheim, près de Munich, dans un environnement très conservateur et nous avions besoin d’exprimer notre colère, notre frustration. La scène hardcore était de plus vraiment organisée en réseau. C’était très facile de tourner, jouer, même si ça nous est vite apparu limité. Ce que nous avons gardé c’est un esprit, une manière de penser de cette époque comme garder son indépendance, tout décider nous-mêmes, ne pas s’en remettre à de gros labels, compagnies.” La découverte des groupes allemands krautrock des années 70 (Can, Neu, Cluster, Harmonia) sera également déterminante. “Quand nous étions jeunes, personne n’écoutait de krautrock, poursuit Markus Acher. La première fois que je suis tombé dessus, je me demandais vraiment quelle genre de musique pouvait bien jouer ce gars aux cheveux longs et aux pochettes psychés.” C’est krautrocksampler, l’excellent livre du chanteur anglais Julian Cope, qui des années plus tard l’introduira réellement au mouvement. “Le plus étrange, poursuit Acher, c’est que nous avons réalisé que nous empruntions énormément d’éléments à cette musique, comme les structures répétitives, sans même la connaître.” A la même époque, The Notwist gagne en épaisseur et en complexité. Une maturation qui doit beaucoup à l’arrivée de Martin Gretschmann, ami de lycée, qui s’est forgé une réputation de producteur électronique avec Console, son projet solo. Ensemble ils composent Shrink (1998), introduisent des éléments électroniques dans les productions du groupe et posent les bases de Neon Golden. “Nous avons mis beaucoup de temps à trouver une manière de travailler ensemble vraiment concluante. Tout le monde compose. Nous enregistrons sans cesse, puis samplons, retravaillons le son. Nous avons toujours été très intéressés par le fait d’enregistrer d’accumuler de la matière et de la travailler ensuite.” Pour réaliser leur nouvel album, The Devil, You + Me, le trio s’est, comme pour le précédent, enfermé dans son studio et coupé du monde pendant près de deux ans. “Nous avons commencé à composer des chansons et au fil du temps, l’esprit du disque s’est vraiment imposé. Nous avons moins samplé que par le passé et utilisé des pistes longues. Nous voulions que le disque soit plus pop, plus organique. Qu’il sonne acoustique mais garde un côté expérimental.” Pour réaliser ses arrangements, le groupe s’est adjoint les services d’un orchestre berlinois iconoclaste, qui mêle éléments classiques, jazz et joue sur des instruments rares, ramenés d’Afrique ou du Moyen Orient. Le résultat, époustouflant, est tout d’abord intimidant, presque glaçant : on se demande comment entrer dans un tel disque, qui semble au premier abord trop virtuose, construit, intouchable. Puis très vite, on se surprend à ne plus pouvoir s’en passer. A avoir besoin chaque jour des mots chuchotés et existentiels de Markus Acher, qui plongent dans un état lucide et introspectif entre veille et sommeil. A ne plus pouvoir se passer des guitares kraut épiques de Good Lies, de la production de haut vol de Your Alphabet, de la mélodie parfaite de Gloomy Planets. On pousse le volume à fond et songe que Radiohead donnerait cher aujourd’hui pour produire des titres aussi bouleversant que Gravity, Boneless, Where in the World. On se retourne une dernière fois, au son de la parfaite et folk Gone Gone Gone, et on se dit qu’avec un tel disque, The Notwist peut bien nous faire poireauter encore six ans. On ne manquera le rendez-vous pour rien au monde. (Inrocks)
Que faire lorsque vous vous fendez d’un chef-d’œuvre au détour d’une carrière déjà entamée ? At The Drive-In a explosé comme un lapin en plein vol (c. Thierry Roland) après Relationship Of Command (2000). Certains affirment que Grandaddy, Radiohead, Mercury Rev, Sparklehorse ou The Flaming Lips auraient mieux fait d’arrêter les frais après The Sophtware Slump (2000), Kid A (2000), Deserter’s Songs (1998), It’s A Wonderful Life (2001) ou The Soft Bulletin (1999). Quid de The Notwist après Neon Golden (2002) ? Un album et dix refrains tragiquement enchanteurs où l’épure confinait au génie. Où l’électronique épousait l’organique avec une pertinence jamais atteinte. Où le moindre mot, la moindre note, le moindre soupir atone sonnaient telle une évidence insurpassable. Ce disque, c’était comme remporter la Premier League, la Ligue des champions, la Coupe du monde et le Ballon d’or lors d’une seule et même saison. Que reste-t-il à espérer le jour d’après ? Au mieux, l’ordinaire. Au pire, la déchéance. Les Allemands ont désintégré la première hypothèse en s’associant aux sombres gaillards hip hop et novateurs de Themselves pour l’excellent projet 13&God, il y a trois ans. Une échappatoire qui leur permet aujourd’hui de toiser la déchéance avec une aisance saillante. Car The Devil, You + Me n’est pas du tout un ersatz du sommet précédent, encore mois son antithèse improbable. Non, les onze titres présentés ici propagent bien la même sinistrose merveilleuse que ses devancières, mais d’une manière différente. Si l’électronique tient encore une belle place dans les compositions du quatuor (les cliquetis sonores en hachette et les beats giflés de Where In This World et On Planet Off, comme des réminiscences de Neon Golden) , les guitares cristallines se font souvent reines de mélodies tourbillonnantes et de crescendos hypnotiques qui tranchent avec les formats habituels. Good Lies, Gravity et surtout Boneless font ainsi figure de sommets pop déviants et déchirants, qui obsèdent l’âme comme les équivalents musicaux et émotionnels d’une persistance rétinienne. Quant à l’acoustique de Gloomy Planets, The Devil, You + Me et Gone Gone Gone, elle flamboie avec pureté et se trouve magnifiée par cette voix défaitiste d’une puissance affective déroutante, apte à dispenser la même froideur charnelle avec une implacable linéarité. Après avoir caressé une certaine perfection, The Notwist a donc attendu la bonne heure et la belle inspiration pour se parer de nouveaux oripeaux et réinvestir ces territoires harmoniques arides où l’horizon se scrute avec une mélancolie suffocante. On avait donc oublié une troisième voie : lorsque vous avez tout gagné, vous pouvez encore doubler la mise.(Magic)
Plus de six ans déjà que nous attendions un successeur au brillant "Neon Golden", le fils bien aimé de la famille The Notwist. Alors bien sûr, en attendant, on a vu arriver les cousins, les bâtards aux frimousses malignes que l'on a pu trouver chez Lali Puna, chez 13 & God ou chez Console. Mais là, pas de doute, c'est bien lui, avec sa voix effacée et ses bouclettes électroniques : le nouveau disque de The Notwist est bien arrivé. Et les frangins Acher, sans opérer une véritable révolution, ont quelque peu changé la formule : mise en retrait des bidouillages électroniques de leur compère Martin Gretschmann et arrangements étoffés par la présence d'un grand orchestre. Mais, malgré la qualité des arrangements, cette luxuriance a malheureusement tendance à diluer les qualités du groupe allemand. On ne leur reprochera pas leur désir d'aller toujours vers de nouvelles directions mais force est de constater que le minimalisme associé aux mélodies de "Neon Golden" leur allait mieux que ces arrangements plus académiques. Et, sans vouloir à tout prix rechercher un nouveau "Pick Up the Phone", on constatera que les morceaux les plus réussis de l'album sont d'une part les plus pop ("Gravity", "Boneless"), et d'autre part ceux sur lesquels The Notwist se montre le plus audacieux en termes d'orchestration ("Where in This World", "Alphabet", "Hands on Us") ; et on succombera même à un léger ennui à l'écoute de "Good Lies", "The Devil, You + Me" ou "Sleep" morceaux sur lesquels la monotonie de la voix de Markus Acher, en Droopy indie pop, trouve ses limites.Inutile de cracher dans la soupe : "The Devil, You + Me" est tout de même un album plus qu'honorable mais, sur la longueur du disque et de la part d'un groupe qui n'a de cesse de se renouveler, on attendait, après tant d'années d'absence, un disque un peu plus convaincant.(Popnews)
Qu'une année musicale soit émaillée de retours de groupes après de longues années de silence, on commence à en avoir l'habitude. C'est plus rare que ces retours se fassent avec des albums entièrement inédits et encore plus qu'ils soient réussis. Pourtant, après ceux plus que convaincant de Portishead et des Tindersticks, c'est au tour des Allemands de The Notwist de faire leur retour avec leur premier album en six ans depuis le superbe "Neon golden". Ces trois groupes ont également en commun d'être toujours restés dans le circuit et d'avoir attendu le bon moment pour retrouver l'envie et l'alchimie. On avait ainsi croisé ces dernières années des membres de The Notwist chez Lali puna, sur le projet 13 and God, pour des disques intéressants mais qui n'avaient pas atteint les sommets de "Neon golden", ni, disons-le tout de suite, ceux de "The devil, you + me". Pourtant, on serait tenté de dire qu'on ne sait pas ce qui rend la musique de ce groupe si attachante et que c'est très bien ainsi. Car il n'y a à priori rien de révolutionnaire chez eux. Les mélodies sont assez simples, égrenées tranquillement par la voix indolente de Markus Acher. Le son du groupe est riche, mais ne la "ramène" pas. Pas de gros effets mais une approche moderne et impressionniste. On prendra pour exemple, Where In This World où les boucles électro et les samples légers habillent à la perfection la mélodie. Sur Gravity, c'est une tranquille ligne de guitare new wave qui vient se mêler à l'ensemble. On pourrait ainsi citer chaque morceau pour sa capacité à nous envelopper et à nous porter doucement. "The devil, you + me" reprend donc parfaitement les choses là où le groupe les avait laissées, sans redite, avec un sens peut-être plus étudié de l'équilibre et de l'amalgame entre éléments organiques et synthétiques. En témoignent les superbes ballades Sleep et Gone, Gone, Gone. On n'oubliera pas non plus de noter les quelques passages où le groupe tend un peu ses ambiances pour donner encore plus de relief à cet album (On Planet Off en tête). Voilà donc un retour en force tranquille qui donne à The Notwist le titre que beaucoup risquent de leur envier de groupe capable de faire entrer audace et avant-garde sonore dans une musique incroyablement attachante et accessible. La grande classe. (indiepoprock)