S'il y a bien un phénomène dont on n'est plus surpris dans l'activité musicale de ces dernières années, c'est l'avènement des sorcières. Après un genre musical dont la notoriété n'a duré que quelques mois (la witch-house, genre représenté en majeure partie par d'excellents artistes tels que Balam Acab, Salem ou Holy Other & d'autres projets faisant plus figure d'étrons qu'autre chose), beaucoup d'artistes se sont mis dans l'idée de faire planer le mystère autour de leurs personnages.
Si Kate Bush est la maîtresse incontestée de l'univers sordide & macabre dont on parle, ce n'est pas pour rien : une colline de titres tous concoctés par le génie de la "sorcière de la musique". Elle est une inspiration primaire pour de nombreux projets tous plus ténébreux & cabalistiques que les autres, tels que Cocteau Twins, The Knife, Fever Ray, iamamiwhoami, Purity Ring, Planningtorock, Zeigeist, Soap&Skin, Cocorosie (& leur excellent antagoniste Metallic Falcons), Grimes ou encore la très talentueuse Björk. Cette liste à l'aura si fantasmatique regroupe des artistes supposés mystiques, dont les albums ou les carrières sont recouverts d'un voile occulte, de secrets à découvrir. Mêlant sans difficulté tous les genres, de l'électronique expérimentale à la pop, en passant par le freak-folk ou encore le trip-hop ou les beats hip-hop, la musique ensorcelante exposée par ces artistes se fraye des passages certains vers une apogée en bonne & due forme. Incontestablement de qualité, on ne cesse de découvrir des albums injustement méconnus.
C'est ainsi que j'ai pu déterrer "The Entire City", de Gazelle Twin, alias Elizabeth Walling, si l'on ôte la montagne de tissus sous lesquels elle ose dissimuler son joli minois. L'album est très léger, très atmosphérique, & libère des sensations à la fois sinistres, oppressantes, mais aussi des moments de grand repos, tellement l'ambiance presque religieuse semble s'envoler sur certains titres comme "Nest" ; pour tout vous dire, le seul album m'ayant procuré de tels émois cette année est l'éponyme d'Emika..
Formidable assemblement de choeurs, de distorsions rythmiques & vocales, de bourdonnements synthétisés & de basses profondes, Gazelle Twin emmène l'auditeur à l'initiation de son univers si particulier, une ville ensevelie sous la végétation empreinte d'un romantisme ténébreux : tout semble droit, spectaculaire, gargantuesque, & à travers ces immensités retentit la voix émouvante de Walling...
Il est nécessaire d'admettre que "The Entire City" est un album très avant-gardiste, dont l'ensemble ne plaira pas à tout le monde. Assez inégal & sujet à des débats mitigés, il peut néanmoins se laisser écouter d'une traite si l'auditeur est dans le mode adéquat.
Mélodieux, frémissant, lugubre ; ce sont les trois adjectifs que je trouve préférables pour désigner tout le génie expérimental qui émane de cet album. Même s'il n'est pas parfait, force est d'admettre que Gazelle Twin s'est débrouillée pour le faire sortir de l'ombre sans se fouler, & qu'il mérite au moins une écoute ; certains pourraient y trouver, comme moi, un coup de coeur.
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