The First Days of Spring par bisca

Il est décidément bien difficile de dénicher le bonheur sur tous les fronts. Alors même que Charlie Fink goûtait l’an dernier les fruits d’une reconnaissance professionnelle précoce, consécutive à la sortie de son premier album Peaceful, The World Lays Me Down(2008), il se faisait simultanément lourder par sa muse chérie et chanteuse occasionnelle, Laura Marling. The First Days Of Spring se présente donc comme un bilan musical, ainsi que cinématographique, de cette saison en enfer où la fraîcheur primesautière des débuts a laissé la place à des ballades crépusculaires et autres instrumentaux funèbres qui semblent tout droit sortis du Berlin (1973) de Lou Reed. Avec toute l’innocence et la naïveté de ses vingt printemps, Fink dépeint donc son vague à l’âme et ses hématomes au cœur comme s’ils étaient à la fois uniques et incurables. Et si sa maîtrise instinctive des climats musicaux poétiques et des grandes envolées instrumentales, entre cordes et pianos, reste intacte et impressionnante, les traces d’espoir et les moments d’accalmie ou de résilience demeurent bien rares dans ces onze titres qui apparaissent comme autant de lamentations modulées autour du thème de la rupture et de l’absence (I Have Nothing, My Broken Heart). Malgré leur irréprochable beauté formelle, ces complaintes adolescentes un peu répétitives finissent donc par susciter une certaine ambivalence, entre compassion et agacement. (Magic)
Dans le domaine de la pop sophistiquée et solaire Noah And The Whale n'a surement rien à apprendre de personne. Leur premier album, Peaceful, The World Lays Me Down, avait fait comprendre à tous que le groupe de Charlie Fink n'était pas ordinaire. Enfin, il apparaissait assez clairement que Noah And The Whale était loin de l'amateurisme et du jeunisme qui buzze au premier riff saignant. Des gens d'expérience quoi. Oui, des gens, jeunes, avec l'expérience de vieux briscards. Cela peut avoir son charme et les londoniens ne sont pas les seuls à s'être laissés séduire par ce type de pop un peu embourgeoisée, qu'on écoute dans son fauteuil et qu'on se plait à voir dans le dernier Taratata. Dans le fonds on peut trouver tout cela très joli, très chiadé, avec beaucoup d'emphase, de la grandiloquence aussi, une émotion certaine. The First Day Of Spring est un peu tout cela. On peut se prendre d'affection pour lui assez facilement car il met tout de suite à l'aise et son évidence mélodique ne fait aucun doute. Mais entre ce mélange de Coldplay et de Clearlake nous n'apprenons pas grand chose de bien neuf ici. On pourrait bien les croire un peu prétentieux sur les bords mais ce serait sans doute les sous-estimer. On ne doute pas de leur sincérité. Elle est bien là et Noah And The Whale reste un groupe attachant, qui sait y faire, connaissant sur les bouts des doigts les ficelles du métier. Ce qui les fait sortir de l'ordinaire c'est cette capacité à faire oublier à la même famille que les groupes cités dans le premier paragraphe de cet article. On a l'impression de découvrir un univers nouveau. Mais tout n'est qu'illusion et la réalité revient vite au galop. Parce que malgré tout on sait. On sait que ce que propose Noah And The Whale n'est pas le pur génie que ce d'autres essayent de nous faire croire. The First Day Of Spring reste un bel album, personne n'en doute. Si on aime le classicisme d'une certaine pop moderne on ne pourra être que satisfait. The First Day Of Spring est le disque même fait par des musiciens éclairés. Cela ne veut pas dire pour autant que cela touche à l'état de grâce. (liability)