Un air de voyage
Je ne saurais expliquer toutes les raisons qui me font aimer ce groupe et cet album. Certaines fois les sentiments parlent plus que le pragmatisme, surtout en matière de musique. L' atmosphère de...
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le 20 oct. 2015
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Armé d’un premier album tourneboulant, Gulag Orkestar (2006), le jeune Zach Condon – dix-sept printemps au compteur au moment de la création dudit disque, selon la légende – s’était en fait évertué à rappeler une évidence : oui, le soleil se lève toujours à l’Est. Les lumières tamisées d’une aube vivifiante éclairaient alors discrètement des rengaines qui semblaient surgir d’un autre temps, comme autant d’invitations à un voyage sidérant, à la découverte d’une Terra Incognita mais accueillante. En particulier grâce à Zach, impeccable dans son rôle de guide, prêt à dévoiler tous les recoins de ces endroits exotiques, fortement marqués par l’Orient. Mélodies haïku et orchestre brinquebalant, voix chaleureuse et refrains artisanaux devenaient les compagnons d’une route dont on ignorait où elle allait nous mener. Cachant son jeu à la perfection, le maître des lieux n’en savait en fait pas bien plus que nous, lui qui fantasmait la plupart du temps ces paysages que jamais il n’avait eu le loisir d’admirer. Car il est ainsi, Zach, sempiternel rêveur éveillé, Little Nemo de la chose (chaise) musicale, alchimiste qui compose les yeux mi-clos comme pour mieux s’imprégner de ces contrées qu’il ne connaît pas. Aujourd’hui, toujours lancé dans ses pérégrinations saugrenues, il s’est payé un aller simple pour la France, en première classe évidemment. Alors, depuis le… Canada – où il a enregistré ce disque sous la houlette d’Owen Pallett, dans l’église retapée par les époux Butler –, le voilà qui nous mène de Nantes à Cherbourg, non sans se perdre dans La Banlieu[e]. Alors, comme par enchantement (seul, le hasard permet ce genre de tours de passe-passe), ce gamin se met à évoquer un Dominique A qui creuserait encore La Fossette (1993) – avec des instruments organiques plutôt qu’un maigre matériel synthétique, comme sur le léger Guyamas Sonora – ou un Yann Tiersen d’avant les digressions rock. Le temps de Forks And Knives (La Fête), on a l’étrange sensation d’avoir été invité à la “partie de plaisir” du Grand Meaulnes et l’on se surprend à esquisser un pas de danse sur cette valse chancelante. Et puis, l’on se réveille à la table d’un minuscule club de jazz, bizarrement situé In The Mausoleum. Toute notion de réalité s’est depuis belle lurette envolée en fumée, et l’on ne sait trop quoi répondre à notre voisine, cette veuve Cliquot ayant jadis usé de tous ses charmes pour voler l’âme de Scott Walker. La tête tourne, forcément, mais impossible de refuser Un Dernier Verre (Pour La Route), bercé par les notes d’un piano tourmenté. Il est trop tard pour rebrousser chemin. Et qu’importe, d’ailleurs, puisque l’on serait capable de boire les dernières gouttes de The Flying Club Cup avant de suivre Zach Condon, pour mieux le préserver des dangers, sur une île déserte, lui qu’on imagine si habile en Robinson Crusoé pop. Bonjour chez vous…(Magic)
Est-ce d’avoir grandi au Nouveau-Mexique, une des régions les plus désertiques des Etats-Unis, qui a donné à Zach Condon, alias Beirut, le goût des voyages spatiotemporels, des climats humides, des ambiances portuaires de la vieille Europe ? Il y a un an et demi, on découvrait Beirut avec Gulag Orkestar, un premier album qui semblait célébrer la rencontre du blues bastringue de Tom Waits et des vocalises endolories de Thom Yorke au cœur des Balkans, arrosée à la vodka. Beirut a souvent trouvé refuge à Paris, il y a vécu plusieurs mois, s’y est fait des amis et a puisé dans la culture française l’inspiration de son deuxième album – il adore Jacques Brel et là, pour rire un peu, on le rebaptiserait bien Zach Brel, le chanteur de Beirut aux poignets tatoués de cors français. “J’aimerais chanter comme un vieux marin”, déclare-t-il quand on le rencontre au pied de Montmartre, de sa voix de jeune mousse. The Flying Cub Cup commence par un mini-morceau de vingt secondes, comme le son d’une corne de brume. Un nouveau départ, qui évoque cette fois-ci une traversée maritime sur un cargo français, mais dans les eaux internationales. Le navire tangue, il fait froid sur le pont, mais Zach Condon n’est pas seul (il a enregistré cet album en équipe, ça s’entend), et il s’emmitoufle dans des chansons mélancoliques, denses et doucement lyriques, pleines de violoncelle, d’accordéon, de bouzouki, de clarinette, de petites percussions, de trompette et d’autres instruments qui n’ont jamais approché les rivages du rock. Ce n’est pas La croisière s’amuse, pas non plus Le Radeau de la Méduse. C’est la petite musique intime et déboussolée de Zach Condon, jeune Américain toujours entre deux eaux, autant d’époques et d’horizons, qui cherche la lueur du phare au son de la fanfare. (Inrocks)
Choisir le nom d'une ville (et pas la moindre) comme nom de groupe laissait déjà présager un goût prononcé pour le risque et l'originalité. Beirut a su, dès son premier album, surprendre et étonner tant par la richesse que par l'ingéniosité des compositions, mélange détonnant de mélodies gipsy des Balkans et de folk enlevé. Il faut dire que Zach Condon, originaire de Santa Fe, maîtrise l'art de l'éclectisme, et écrit ses morceaux comme des cartes postales : souvenirs intuitifs et mélancoliques de voyages où la nostalgie pénètre chaque mot. Mais voici l'épreuve si difficile du deuxième album à passer pour ce groupe révélé à peine l'année dernière. Si Zach Condon avait démontré un talent incontestable pour le songwriting sur le premier opus, il laisse place ici à un travail de groupe, et chacun trouve petit à petit sa place. "The Flying Club Cup", du nom d'un festival de montgolfières parisien de 1910, apparaît dans un premier temps comme le digne successeur de "Gulag Orkestar". On se laisse volontiers caresser à nouveau par les voluptés balkaniques mais le touché est plus sûr, plus étoffé. C'est une main de velours qui dessine l'œuvre, celle-là même qui dépeint le Paris du début du siècle. Le son est plus cossu, plus intimiste. Les cuivres, moins présents dans l'ensemble, surprennent par leur délicatesse, surtout celle du cor de chasse, les cors qui font corps jusque dans la chair même de Zach. Cet album est conçu comme un hommage à la culture française. Il est à la fois subtil et intense. Le charme parfois désuet de l'ensemble étonne pourtant par son audace. La touche d'Owen Pallet adoucit certains aspects trop "fanfare". La voix du frêle leader, son timbre fragile, s'imposent dans un lyrisme très mature. Des extraits de vieux films français, "encore une fois" murmuré en amont de "a Sunday Smile", une ouverture entonnée au cuivre dans un souffle continu : "a call to arms", tant d'attention aux moindres détails où se lit le désir de paraître plus "humain". Pourtant, le travail est si léché que le disque semble moins spontané et du coup moins "convivial" que le premier. Mais un morceau comme "Forks and Knives (la fête)", dont la sobriété plonge le groupe dans des sphères moins attendues, rassure et prouve que Beirut, de l'Europe de l'Est ou de la France, délivre des mélodies précieuses et indispensables. Zach nous écrit bien plus que de simples cartes postales, il écrit le carnet de voyage d'un aventurier qui risque sa vie pour le plaisir de la découverte.(Popnews)
Après avoir réussi l'année dernière une entrée en matière plus que remarquée, Beirut revient déjà avec le successeur de "Gulag Orkestar". En parcourant la pochette, on constate que Zach Condon aime la France, qui le lui rend bien (l'engouement marqué de la Blogothèque n'est d'ailleurs certainement pas étranger à la belle popularité dont jouit Beirut) : on parle de La Banlieue, on prend Un Dernier Verre (Pour La Route), avant de se rendre à Nantes ou à Cherbourg... A l'oreille, on est en terrain familier, on retrouve à l'identique tous les éléments du style de Beirut. Zach Condon n'a pas infléchi sa ligne de conduite, fût-ce d'un picomètre. Si jeune et déjà cacochyme ?S'il n'a pas, bien sûr, la fraîcheur de "Gulag Orkestar", où l'effet de surprise jouait à plein, "The Flying Club Cup" est un album globalement plus maîtrisé, plus court, plus compact. Mélodiquement, Condon évolue encore à un niveau proche du stratosphérique, il semble même avoir progressé, évitant quelques indulgences qu'on avait pu déceler au cours de son premier opus. Sur des refrains beaux à pleurer (A Sunday Smile, The Penalty), son trémolo de crooner paradoxal va toujours droit au coeur et se marie idéalement aux instrumentations toujours volontairement excentriques et éloignées des canons de la pop indépendante... Alors on est heureux, bien sûr, comblé par cet alchimie d'euphorie et de mélancolie qui transcende définitivement la grisaille ambiante. Mais pour paraphraser la devise d'un célèbre super-héros, un grand talent appelle de grandes responsabilités. La talent de Condon est énorme, il est éclatant, d'une évidence et d'une limpidité absolues. C'est ce qui explique que ce "Flying Club Cup", timide et assez peu ambitieux malgré son excellence, ne parvienne pas tout à fait à nous combler. On espère donc que l'homme de Beirut aura par la suite quelques propositions musicales à ajouter à son univers déglingué. Le jeune prodige semble avec ce second album avant tout profiter de son joli succès pour battre le fer tant qu'il est chaud ; on ne saurait l'en blâmer puisque cela lui permet de nous offrir un disque superbe. Mais soyons clairs, le coup de la photocopieuse supporte assez mal la répétition... (indiepoprock)
Juste retour des choses, la boussole n’oublie pas d’où l’on vient, elle qui désigna un jour le point cardinal où tout a commencé pour Zach Condon, Paris, une rue, une fanfare qui joue à bâtons rompus, le déclic et un premier disque, Gulag Orkestar, salué plutôt deux fois qu’une. La France donc, de nouveau à l’honneur avec The Flying Cup Club, ses villes, ses banlieues, ses films, ses accordéons, sa poésie naturaliste, son multiculturalisme. On savait le cinéma, notamment français, en voie de momification accélérée (cf. La Môme ou Le Deuxième souffle), on ne se doutait pas que le formol s’était aussi répandu sur le terrain musical, que le vieillot s’était invité à la table de la modernité pour la recouvrir avec son linceul rapiécé. Trop concentré à s’épargner l’écueil du tourisme ou de l’exotisme, Zach Condon (qui n’a ni la profondeur de chant de Rufus Wainwright, ni les qualités de parolier et de compositeur visionnaire de Sufjan Stevens - deux songwriters à qui on le compare assez souvent) a le souci de voyager à la marge des zones par trop balisées, mais la naïveté de croire que l’énergie à les arpenter suffit à faire céder la gangue des clichés. La France recréée en musique par Beirut a des airs de monde sous cloche, le mélange des sonorités francobalkaniquoorientales, aussi séduisant à l’oreille soit-il, ne déplace pas les frontières, il les sédimente à l’intérieur d’une nostalgie un brin racoleuse qui vogue de chromo en chromo. Postulat : le brassage musical ne garantit d’aucun succès artistique a priori (cf. aussi la sortie récente du premier album rock-world de Yeasayer), surtout lorsqu’il tient plus de l’illustration sympatoche (une petite ritournelle pleine de cuivres par ci, une jolie valse bringuebalante par là) que de la nécessité esthétique (désolé de ressortir du placard la dialectique moribonde fond/forme). Tapissé de couleurs locales, l’accueillant club de Beirut rassemble les badauds de tous bords en leur vendant une soupe aux épices qui a la goût du sucre. Jusqu’à quand son tenancier fera-t-il encore diversion ?(pinkushion)
Choisir le nom d’une ville (et pas la moindre) comme nom de groupe laissait déjà présager un goût prononcé pour le risque et l’originalité. Beirut a su, dès son premier album, surprendre et étonner tant par la richesse que par l’ingéniosité des compositions, mélange détonnant de mélodies gipsy des Balkans et de folk enlevé. Il faut dire que Zach Condon, originaire de Santa Fe, maîtrise l’art de l’éclectisme, et écrit ses morceaux comme des cartes postales : souvenirs intuitifs et mélancoliques de voyages où la nostalgie pénètre chaque mot. Mais voici l’épreuve si difficile du deuxième album à passer pour ce groupe révélé à peine l’année dernière. Si Zach Condon avait démontré un talent incontestable pour le songwriting sur le premier opus, il laisse place ici à un travail de groupe, et chacun trouve petit à petit sa place. "The Flying Club Cup", du nom d’un festival de montgolfières parisien de 1910, apparaît dans un premier temps comme le digne successeur de "Gulag Orkestar". On se laisse volontiers caresser à nouveau par les voluptés balkaniques mais le touché est plus sûr, plus étoffé. C’est une main de velours qui dessine l’œuvre, celle-là même qui dépeint le Paris du début du siècle. Le son est plus cossu, plus intimiste. Les cuivres, moins présents dans l’ensemble, surprennent par leur délicatesse, surtout celle du cor de chasse, les cors qui font corps jusque dans la chair même de Zach. Cet album est conçu comme un hommage à la culture française. Il est à la fois subtil et intense. Le charme parfois désuet de l’ensemble étonne pourtant par son audace. La touche d’Owen Pallet adoucit certains aspects trop "fanfare". La voix du frêle leader, son timbre fragile, s’imposent dans un lyrisme très mature. Des extraits de vieux films français, "encore une fois" murmuré en amont de "a Sunday Smile", une ouverture entonnée au cuivre dans un souffle continu : "a call to arms", tant d’attention aux moindres détails où se lit le désir de paraître plus "humain". Pourtant, le travail est si léché que le disque semble moins spontané et du coup moins "convivial" que le premier. Mais un morceau comme "Forks and Knives (la fête)", dont la sobriété plonge le groupe dans des sphères moins attendues, rassure et prouve que Beirut, de l’Europe de l’Est ou de la France, délivre des mélodies précieuses et indispensables. Zach nous écrit bien plus que de simples cartes postales, il écrit le carnet de voyage d’un aventurier qui risque sa vie pour le plaisir de la découverte. (popnews)
Créée
le 13 mars 2022
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