La techno débordante de The Field est composée de ritournelles, d’un musellement d’une rythmique qui s’additionne à la multiplication des vibrations. Les longues plages qui coordonnent The Follower se languissent d’une certaine tension anesthésiée, décrivent un univers dont le temps devient une donnée invisible et dévoilent alors leurs richesses par la force des répercussions.
The Field ne joue jamais aux montagnes russes avec ses partitions mais est un musicien qui crée des mondes jumelés sans que ces derniers se ressemblent réellement. La musique de The Field parait simple de prime abord mais est d’une richesse foisonnante. Faite de beats lancinants, de voix susurrées, de sonorité pop suave ou de palpitations ambiantes, de cavalcades punks, cette techno est une suite de mouvements identiques qui ne s’arrêtent jamais : au fil des minutes, l’agencement s’accorde, le même beat se répète sans faille.
Sauf qu’au lieu de minorer la répétitivité, The Field en fait une force centrifuge qui devient l’épicentre d’une musique électronique proche de la transe : alors que la répétition fait rage dans nos oreilles qui bourdonnent, les sonorités se multiplient, les ajouts de bruits donnent le tempo d’une montée en puissance constante.
Et à l’image d’artiste comme Fuck Buttons, The Field est un créateur où la musique devient presque tangible, où les sonorités prennent forme et deviennent des images à part entière : c’est tout un univers qui se construit, un lieu qui s’immerge, des sensations qui se diffusent, une cinématographie qui s’ondule. Beat par beat, la techno de The Field se stratifie par étapes, n’est pas un encéphalogramme musical qui est vecteur de vague mais s’accorde par une croissance de la fécondation d’un tempo riche.
D’ailleurs, The Field, avec « Monte Verita », accouche de l’une de ses meilleures compositions : aussi dansante que réflexive, intense que sensorielle. Sauf que The Follower est une œuvre, qui comme Cupid’s Head, s’avère parfois moins lumineux et plus nocturne que ses prédécesseurs : l’ambiance se fait plus étouffante, dark, voire taiseuse. L’ambiant prend alors une part importante dans la rythmique crépusculaire de morceaux cryptiques tels que « Soft Streams » quand ce n’est pas le shoegaze de Slowdive qui apparait « Pink Sun » ou la house berlinoise dans le titre éponyme « The Follower ».
Assez mouvant dans son approche contemporaine de la musique électronique, The Field creuse les sillons d’une techno qui induit d’elle-même une certaine forme d’imagination : surtout dans ce The Follower qui est plus lancinant voire plus statique avec ses atmosphères de fin de soirée nébuleuses comme sur le très house et drone « Raise The Dead ». The Field ne révolutionne pas sa discographie mais avance à petit pas avec une ambiguïté presque symptomatique : alors qu’il radicalise son rythme, se minimalise vers l’ambient, The Field n’a jamais été aussi accessible que maintenant.