The Great Destroyer, septième album du groupe de Duluth, est acclamé comme l'épiphanie rock de Low. Comme si Trust, ou les précédents, n'étaient pas déjà rock. Fallait-il le hurler pour que le monde saisisse que sous les drapés lents et les voiles tristes se cachaient hargne et colère ? Secoué par les sombres humeurs et les questionnements sibyllins d'Alan Sparhawk, Low a fait sa mue et laisse donc ici son instinct primaire diriger un peu plus clairement la man'uvre : la dérive de leur continent slow-core, au long de leurs bientôt douze ans de carrière, s'est lentement fracassée sur d'autres rives, plus découpées et tranchantes. Le gris orageux du groupe amer s'est fait bleu électrique, l'ascétisme mélodique a fait place à la plénitude sonique, leur tonne d'agressivité accumulée a sorti ses griffes. Mormons, certes, mais pas béni-oui-oui, et en prise directe avec l'humeur générale. The Great Destroyer est ainsi une longue et sourde menace, soufflée les dents serrées et les poings crispés. Sur l'implacable ouverture Monkey, dans les stridulations de Everybody s Song, dans les recoins sombres de l'épique Step, on voit ainsi des tâches et un son gras, quelques piquants d'une haine froide et discrète. Et Dave Fridmann, en habituel grand magicien (Mercury Rev ), de faire résonner le cri à la perfection, de faire un peu plus sortir le groupe de ses gonds, de le conduire à plonger sa délicatesse dans le cambouis. Pourtant, entre deux coups de sang plus ou moins appuyés et toujours d'une élégance sans bornes, subsistent encore quelques pauses, des respirations où le songwriting naturel du groupe, mystique et envoûtant, se hisse loin au-dessus de la crasse, comme sur les superbes Silver Rider ou Cue the Strings. (Inrocks)
Il arrive parfois que le producteur d'un disque soit à peu près aussi important que son auteur, si ce n'est plus. Or donc, la nouvelle est lâchée, la production de The Great Destroyer, le nouvel album de Low, a été confiée à Dave Fridmann. Pour avoir assidûment visité ses merveilles d'architecture gothique flamboyante érigées pour Mercury Rev, The Flaming Lips, Sparklehorse ou Mogwai, on avoue avoir pris peur pour notre cher monastère sis à Duluth, Minnesota. En effet, qu'adviendrait-il des atmosphères cotonneuses égrenées par la guitare et le chant éthéré d'Alan Sparhawk face aux grandes orgues du génie des manettes ? Comment les tambours de Mimi Parker supporteraient-ils pareille (sur)charge ? Distinguerait-on encore la basse élastique de Zak Sally, la clef de voûte indéboulonnable du trio ? Il n'aura pas fallu attendre la fin du premier morceau pour se rassurer. Certes, Low a pris de l'ampleur, mais cette montée en puissance lui va foutrement bien. D'autant que sa musique n'a rien perdu de son pouvoir d'apaisement : un véritable tour de force ! Il faut dire que les trois musiciens n'ont pas fait les choses à moitié, comme si cette future collaboration leur avait inspiré leurs plus belles compositions à ce jour. Entre structure folk et interprétation sadcore, le triumvirat a choisi de ne pas choisir... À la fois Bob Dylan et Joy Division, Low compte parmi les groupes à guitares les plus doués de sa génération, toutes catégories confondues. Et si Mimi Parker partage plus qu'une ressemblance patronymique avec Moe Tucker, c'est l'ombre du Velvet Underground tout entier qui plane sur les auteurs de Christmas. À contrario de ce que son titre pourrait laisser supposer, Alan, Zak et Mimi n'ont pas sombré dans un déluge noisy punk à la My Bloody Valentine, leur aptitude à se réinventer expliquant (en partie) leur longévité. Entre envolées lyriques et comptines à deux voix, les morceaux se succèdent avec une évidence quasi mathématique. Si l'on ajoute que ce huitième Lp possède assurément la plus belle pochette du mois et que la saison (neige et longues nuits) lui sied à merveille, chacun aura saisi l'importance de The Great Destroyer, l'une des plus belles oeuvres de Low.(Magic)
Ah ! Tout fout le camp mon bon monsieur ! Les taxis londoniens, le téléphone à cadran et l'enduro du Touquet. Tout un pan de l'histoire de l'humanité aux orties! Même Low, intronisé il y a de cela dix ans 'le groupe le plus lent de la planète' sort un album de gros rock !". Dans la bouche des amis, sur les minizines du maxiweb, dans la tête des fans transis, de vilains mots se font entendre: compromission vis-à-vis du Grand Public, allégeance à son nouveau label Sub Pop (Nirvana et l'ex-imagerie grunge de la maison en tête de gondole), révolution pré-quadra ratée. Tout y passe. Même les plus fervents admirateurs du trio s'y mettent, ceux-là qui affichaient leur mauvaise foi d'amoureux transis lorsqu'on osait insinuer que le dernier opus en date ("Trust") n'était qu'un petit plat réchauffé. Alors, quitte à me prendre des oeufs pourris après cette chronique, je vous le dis tout de go : "The Great Destroyer" est le meilleur album de Low... Gloups !Effectivement, dans cette collection de tubes à la Teenage Fanclub, il y a un souffle, des voix, une atmosphère, une flamme intacte. Mieux, cette petite chose qui nous entraîne régulièrement dans les méandres de leur discographie neigeuse revêt ici divers costumes. Low ne déguise pas sa musique en tube californien ou ballade new-yorkaise. Le trio embrasse au contraire toute la palette des couleurs de l'Amérique qu'on aime et qui nous fait tant rêver. C'est pour cela que "The Great Destroyer" est si particulier, si inconfortable et si beau. Jusqu'à présent, il était vrai que frapper dans ses mains ("Step"), mimer un solo de gratte crasseuse ("Broadway") ou secouer la tête en cadence étaient des actions antinomiques de l'univers de Low. Mimi, Zak et Alan, de "mornes mormons" qu'on nous disait, remettent nos préjugés de popeux réactionnaires au placard. Et ça ne plaît pas à tout le monde, cela va de soi. Alors, loin de moi l'idée de vous traiter de vieux con si ce nouveau Low vous déçoit. Mais revenez-y de temps en temps, mettez-le en parallèle avec les "Long Division" et autres "Secret Name" : vous verrez que ce disque a toutes les qualités de ces épiphanies musicales sans en produire les défauts. Et contrairement à ce que promet le titre, du passé le trio ne détruit rien. Plus qu'une révolution, une révélation, une apparition. Simplement le meilleur espoir 2005. (popnews)
Les Américains de Low resteront éternellement emblématique d’une esthétique underground, et ce bien que, comme largement annoncé, ce nouveau disque se distingue par une évolution dans l’ornement de leurs complaintes. Leur goût prononcé pour la tension douce, tout en retenue poignante, se voit ici traversé de stridences et de rondeurs inhabituelles chez le trio.« The Great destroyer » est avant tout un très bon album de Low, alors que le groupe s’était montré plutôt décevant ces dernières années, comme ce « Trust » auquel on ne croyait pas beaucoup… Reconnaissons donc que le son du trio s’est épaissi. La hargne jusqu’ici quasiment proscrite de leur monde s’insinue à plusieurs reprises dans ce disque au titre à l’avenant. La fuzz criarde s’avère être l’invitée de marque de ce recueil. Bavarde l’invitée, comme lors de son apparition détonnante sur When I go deaf. Néanmoins, le groupe conserve sa patte, subtile, à savoir les chœurs angéliques de la batteuse Mimi Parker associés au sublime timbre de voix de Alan Sparkhawk. D’ailleurs, c’est quand le groupe orne sa musique de larsens et de distorsions massives que le résultat atteint de véritables sommets, avec Everybody’s song en point de mire, très haut. Ce vertige tient peut-être à la production fournie de Dave Friedmann qui, sans atteindre les emphases des disques de Mercury Rev, apporte une autre envergure à ces chansons que l’on peut très bien imaginer dépouillées, accompagnées d’une seule guitare de bout en bout. L’apparente simplicité de ces morceaux n’en démontre pas moins l’excellence de l’écriture du trio. Une fois de plus. (indiepoprock)
Low est-il un groupe culte ? Le trio américain possède une identité musicale forte et la faculté d'inspirer des impressions bien tranchées à qui voudra bien fourrer ses oreilles dans leur discogaphie. Les convaincus auront donc tendance alors à louer irrésistiblement ce groupe atypique dont les maîtres mots sont dépouillement et recueillement. Outre par sa singularité, Low hypnotise par la religiosité, la profondeur messianique et la pureté virginale et de sa musique : une guitare, une basse, une caisse claire, voilà tout ce qu'on trouve habituellement chez Low, sans oublier le chant inoubliable d'Alan Sparhawk et de Mimi Parker. Car Low est avant tout un groupe de voix.En 2002, un certain nombre de fidèles avaient sûrement émis quelques inquiétudes quant aux orientations artistiques du groupe à l'écoute de l'épique "Canada". La vierge serait-elle sur le point de sauter le pas ? Aurait-elle succombé à la Tentation de faire de la musique Populaire ? Ces craintes se concrétisent sur ce Great Destroyer. Comme Blonde Redhead ou plus récemment Mercury Rev, Low tente donc une réforme de son Eglise des sols à la charpente, au risque de tout voir s'écrouler.Pour les fidèles de la première heure, ce doit être une expérience douloureuse, voire blasphématoire d'ainsi voir Low troquer sa soutane austère contre les habits profanes du rock'n'roll, de renoncer à sa tension subtile pour une puissance honteusement impudique. Low ne somatise plus, il explose dans un déferlement de guitares converties à la saturation. Le son produit par Fridmann est incisif, aux antipodes de l'atmosphère lourde et cotonneuse de Trust. Si plusieurs titres paraissent indignes de la majesté naturelle de Low, tels "Just Stand Back", ou l'ignoble "Step", d'autres mettront tout le monde d'accord, les anciens fans comme les nouveaux, car tout est là: en écoutant "Pissing", on prend conscience que cette violence aujourd'hui étalée sur The Great Destroyer, a toujours été présente chez Low, mais contrôlée et distillée sans faire de vagues.Je l'ai déjà dit, Low est un groupe de voix. Et c'est peut-être à cause de la formidable performance vocale d'Alan et Mimi ("Monkey", "Silver Rider") que Low trouvera grâce aux yeux de leurs fans. Pour les autres, The Great Destroyer est l'occasion rêvée d'ouvrir les Trust et Long Division qui traînent au fond de la sacristie, afin de saisir toutes les facettes de ce culte non pas voué à l'extinction mais à une plus forte reconnaissance.(liability)