The Information
7.1
The Information

Album de Beck (2006)

Disons-le d'emblée, The Information est un disque moisi. Après avoir brillamment survolé durant la dernière décennie tout ce que la musique compte en sous-genres (hip hop foutraque, pop déglinguée, rock abrasif, funk hédoniste, folk naturel), Beck s'est résolu à devenir sa propre influence, s'autosingeant jusqu'à la Nausea, pour finalement remplir un rayon dans lequel on n'aurait jamais pensé le voir atterrir : les solderies. Ce septième effort se présente pourtant sous des dehors avenants, ceux d'un hip hop astucieux et d'une pop physique (parfois psychédélique), aguerris par les apparats d'une production godrichienne retrouvée. Mais l'illusion ploie rapidement sous le poids de gimmicks essoufflés, d'un flow anachronique, de refrains à courte vue. Pour un Think I'm In Love ascensionnel et inspiré, combien de Dark Star désincarné ? Trop, beaucoup trop. Imaginez les matrices sonores de Devils Haircut et The New Pollution (quelques-uns des joyaux d'Odelay, bijou aussi dense qu'éclectique sorti il y a déjà dix ans), déclinées sans conviction sur plus d'une heure, et vous aurez une bonne idée de ce qu'est The Information : un enregistrement étriqué, s'embourbant au fil des minutes dans la monotonie jusqu'au triptyque final, onze minutes aussi étranges qu'ennuyeuses. Comment Beck, qui a su assouplir la pop au point de la rendre malléable à tous les styles existants, a-t-il pu substituer à une exigence inventive ces pastiches en roue libre ? Si les plus sévères crieront à une imposture originelle scellant le gouffre qui séparera toujours le finaud du génie, les autres parieront plutôt sur l'érosion naturelle du talent d'un créatif hors pair en avance sur un temps dont il aura su recycler les modes mieux que quiconque, avant de se faire tout simplement rattraper par la lassitude. Désormais, Beck est un "entertainer" plus préoccupé à enjoliver le contenant qu'à assurer la pertinence du contenu. Ces marionnettes et ce danseur qui l'accompagnent sur scène, ce Dvd de vidéos faites maison accompagnant le disque, ces autocollants présents pour customiser la pochette de l'album... Que d'artifices chargés de nous faire passer l'amère pilule de la déception. On préfèrera utiliser ces fameux stickers pour rénover la pochette d'Odelay, et laisser l'emballage de The Information vierge d'images. Qu'importe le flacon, s'il n'y a plus l'ivresse. (Magic)


On classera sans hésiter le dernier album du blond de Los Angeles, The Information, parmi ses meilleurs, juste derrière Odelay, One Foot in the Grave et Mellow Gold. Produit par Nigel Godrich, jusqu'ici responsable des disques de Beck les plus apprêtés (Mutations, Sea Change) sans être forcément les plus attachants, The Information est certainement l'un de ses albums les plus ambitieux, qui s'est échafaudé selon des règles bien précises. ?Je voulais retrouver l'esprit foutoir de mes débuts?? dit Beck. Nigel Godrich, qui dès 2004 avait convoqué des musiciens de studio renommés repérés du côté du soul-man Bill Withers pour entamer les sessions du disque, renvoie ses hommes dans leurs pénates assez vite. Beck enregistre donc Guero en compagnie des Dust Brothers et ne retrouve Godrich que dans le courant de l'année 2005. Celui-ci a gardé dans sa besace les sessions des types de Bill Withers, auxquelles il décide d'en ajouter d'autres, le tout constituant une sorte de banque de données pour la réalisation de The Information. Beck appelle auparavant, sur les conseils de Godrich, des amis musiciens proches, parmi lesquels Justin Meldal-Johnsen, Roger Manning Jr., l'excellent Jason Falkner ou encore le scratcheur fou DJ Z-Trip. Tous se retrouvent en studio chez Beck et mettent en boîte les sessions qui constitueront le corps du disque. Godrich les enregistre sur plusieurs vinyles. Le travail de Meccano peut alors commencer pour Beck et Godrich. Par exemple, alors que Beck s'était juré de ne plus fricoter avec le hip-hop, suite à Loser, Godrich réussit à le convaincre d'y revenir. Décontracté, Beck peut dès lors entamer, en compagnie de Godrich, le travail de reconstitution du bazar bizarre qui traîne dans sa tête.Dès le titre d'ouverture, Elevator Music, sorte de voyage vertical qu'on effectue les yeux rivés sur la poulie sans comprendre comment tout ne s'est pas encore écroulé, le ton est donné. C'est un Beck au sommet de sa forme qui est parmi nous. Ce que confirment Think I'm in Love, sa ritournelle désabusée Strange Apparition, son déguisement stonien sur Nausea ? ce tube incontournable qui vous ferait acheter n'importe quelle bassine en plastique mou ?, No Complaints, qui donne envie de traverser la ville de son choix à dos d'âne, 1 000 bpm, qui se rappe dans les cabines de salle de bains les plus désuètes de l'univers, et surtout The Horrible Fanfare, qui, campé sur le beat gainsbourrique de Requiem pour un con, invente une musique de lendemain d'on ne sait trop quoi, parfois assez inquiétante, comme inventée par un Brian Eno en laine polaire qui se serait soûlé la veille avec A Silver Mt. Zion. Bref, The Information est un disque dans lequel on s'amuse vraiment à déambuler, qui n'est pas accueillant ou déroutant pour de faux, comme certains pourraient encore le croire. (Inrocks)
Il faut bien reconnaître que depuis "Mutations", on avait pris l’habitude d'être légèrement déçu à la sortie de chaque nouvel album de Beck. En effet, à force d'admirer cet artiste pour son caractère hétéroclite, on finit par tout attendre de lui. Et à l’écoute de "Guero", on prit le temps de réévaluer le folk de "Sea Change", qui lui-même nous fit regretter l’envie de se déhancher de "Midnite Vultures". Bref Beck brouillait un peu les cartes à force de vouloir imiter Nick Drake, Serge Gainsbourg, Prince, ou refaire "Mellow Gold". Mais sur son dernier album "The Information", Beck semble être revenu à un son mélangeant allégrement folk, hip-hop et rock.Cette impression est confirmée dès le premier morceau Elevator Music, véritable capharnaüm musical, dont les différents collages nous révèlent un Beck plus en forme que sur "Guero". Tout le disque est à l'avenant grâce à des ingrédients plutôt alléchants : samples funky,  basse omniprésente nous délivrant un groove infernal, arpèges cristallins de guitare folk, et claviers aussi planants qu'une séance de méditation transcendantale. La  production, très léchée, est assurée une fois de plus par Nigel Godrich. On y retrouve même un son plutôt électro, notamment sur les titres 1000 BPM et New Round, qui ferait presque croire que Godrich a travaillé sur les albums de Beck et de Thom Yorke en même temps. Pourtant quelques titres déçoivent un peu par manque d’originalité, comme ce Strange Apparition, et son piano stonien, qui rappelle un peu trop Sympathy for the Devil, ou encore l’ouverture de The Horrible Fanfare avec un sample du Requiem pour un Con de Gainsbourg (une idée déjà utilisée, entre autres, par Folk Implosion). On a connu un Beck plus inspiré. On pourra prolonger l'expérience du disque avec un DVD de clips construits comme un délire disco-hippie-rock. On y croise Beck déguisé en ours, on le voit se faire coiffer par Devendra Banhart avec un peigne géant. Dans le même esprit potache, on notera que la jaquette peut être personnalisée par des autocollants. Si"The Information" nous livre un Beck plus ambitieux que pour son précédent album, on reste encore un peu sur sa faim par rapport à quelques choix parfois un peu trop confortables. Toutefois le disque s'écoute avec plaisir et à défaut d’avoir un grand album on se contentera d’un bon Beck. (indiepoprock)
bisca
7
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le 13 mars 2022

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bisca

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