Le titre du nouvel album de The Coral, The Invisible Invasion, résume bien le projet de ces sept garçons de Liverpool : s'imposer discrètement, dans la durée, quand d'autres comptent plutôt sur les fanfreluches et le fracas pour s'offrir ces glorioles à durée déterminée dont raffolent les soldeurs. Frisant à plusieurs reprises la perfection sur ce nouvel album qui passe en revue trente ans de pop britonne sans jamais trop la singer (on trouve tout de même pas mal de You Really Got Me des Kinks dans Arabian Sand), The Coral pousse encore un peu plus l'expérimentation entamée voilà deux ans avec Magic and Medicine, meilleur disque du groupe jusqu'à la sortie de The Invisible Invasion. A cheval entre la western-pop et le pub-rock halluciné, et à petits coups de riffs mouillés, The Coral parvient ici à fixer un son sans égal. A s'incarner en groupe de desperados roux, partis entre deux canyons et trois saloons à la recherche de la mélodie pure et parfaite. So Long Ago, Far from the Crowd, Cripples Crown ou le déjà tube In the Morning sont des titres d'une classe incroyable, que les andouilles broussailleuses d'Oasis rêveraient aujourd'hui de savoir écrire. Dès la première écoute de The Invisible Invasion, Noel, certainement le plus lucide des deux Gallagher, avait lui-même déposé les armes et apposé par voie de presse un respectueux "fuckin' brilliant" au sujet du nouveau Coral. Outre la facilité et le talent, ce qui impressionne reste cette capacité à jongler, avec une rare finesse, avec l'arrogance et l'humilité. Une capacité aussi, là où Franz Ferdinand et Bloc Party se tirent la bourre sur l'autoroute, à se mettre soigneusement de côté, bien à l'abri dans ce Nord, souvent cruel avec ses groupes. Car là où, des La s aux Stone Roses (dont The Coral vient de récupérer le manager), la majorité des groupes en jogging du nord de l'Angleterre ont fini par se couvrir de bière et de ridicule, The Coral parvient toujours, à l'inverse, à trouver un équilibre saisissant, à fonctionner selon une régularité quasi mathématique (ils ont sorti quatre albums en quatre ans). (Inrocks)