The Kingsbury Manx, citoyens de Caroline du Nord, n'ont pas visité le rayon nouveautés du Tower Records local depuis vingt-cinq ans au moins, ne savent pas programmer un ordinateur ou une groove-box, ignorent que Syd Barrett a quitté Pink Floyd, attendent en vain qu'on les invite à la prochaine édition du festival Monterey Pop. Braves gens, en somme, dont les travaux d'abeilles gavées aux acides s'étalent en vitrine d'un album dont on aurait le plus grand mal à deviner le millésime. Agiles et fragiles, The Kingsbury Manx savent mieux que faire illusion : ils SONT ce qu'ils prétendent vouloir être. Un avatar des turbulentes marées de 67 échoué sur la plage désertées des Beach Boys seventies, construisant d'hallucinants châteaux de sable selon les plans barjots d'un Kevin Ayers puéril et magnifique, accompagnés par les carillons des Byrds, bercés par les anges Simon & Garfunkel, parfois secoués par les spasmes du Velvet élimé de 69, année névrotique... Pudiques mélodiquement, souvent chantées les yeux baissés, on en est pas encore avec ces douze chansons au grand feu d'artifice Burtonien façon Mercury Rev ou Flaming Lips, mais on n'en est plus cependant à la contrition country lo-fi, car on a d'yeux ici que pour les hauteurs.(Inrocks)


Tout le monde en rêve mais peu tentent le coup : marier le Velvet du troisième album aux Beach Boys largués de l'époque flower power, allier la léthargie hypnotique d'Ocean aux choeurs célestes de Cabinessence. Au moins, The Kingsbury Manx, calme quatuor américain qui semble jouer sous anxiolytiques, aura essayé de réconcilier le temps d'un album le son poudreux new-yorkais et les mélodies chanvrées californiennes. Question de goût, mais dans les deux cas, le résultat est le même : on plane haut chez The Kingsbury Manx et, de fait, on démarre mou pour finir avachi dans un champ de pâquerettes. Entre les morceaux, on entendrait presque les musiciens se rouler des deux feuilles et, pendant les chansons, faire tourner le mélange, toujours au ralenti. On imagine aussi de bons titres (Hawaii In Ten Seconds, Blue Eurasians, Piss Diary...) et, dans l'ensemble, reprendre le flambeau space pop de Galaxie 500 ou Bedhead. Le tempo fixé une fois pour toutes aux alentours de 50 bpm, la guitare sèche en bandoulière, l'orgue qui roule (décidement, c'est une manie) comme une vaguelette sur une mer d'huile, et surtout de belles harmonies mâles qui bercent l'auditeur déjà vautré dans un hamac. Bien sûr, on souhaiterait parfois un peu plus d'enthousiasme et d'énergie, des mots inconnus dans le vocabulaire de The Kingsbury Manx, qui sans doute, préfère y substituer les termes de douceur, paix et harmonie. Quoi qu'il en soit, les brothers et les sisters intéressés pourront les apercevoir en France en première partie de Calexico courant septembre, histoire d'en savoir un peu plus sur ces Yankees anesthésiés. Fleurs, bougies et THC bienvenus. (Magic)
Pour trouver une pochette de disque qui donne moins d'informations sur le pedigree des oiseaux qui l'ont pondu, il faut remonter au moins à "There's no one that will take care of you" de Palace. Une rapide visite sur le site internet de leur label permettra juste de savoir que les Kingsbury Manx sont quatre, partagent avec Will Oldham des origines ruralo-sudistes (Kentucky pour l'un, Caroline du Nord pour les autres), et ont ouvert récemment pour Elliott Smith avec lequel ils ont apparemment en commun le goût pour les tignasses impossibles. Quand de telles fées se penchent sur un berceau, on ne peut qu'avoir confiance pour l'enfant à naître. Au sujet des Kingsbury Manx ont été invoquées les mânes des Byrds, du Velvet, des Pink Floyd (influence il est vrai omniprésente) et même des Beach Boys - pour un délicieux morceau a capella malicieusement intitulé "Hawaï in ten seconds". Plus modestement, on se contentera de constater que tous les premiers albums (tous les albums?) devraient être comme celui-ci : rien à jeter, douze bonnes chansons sur douze et suffisamment de mélodies époustouflantes pour accompagner l'auditeur lors de ses soirées duveteuses ou ses mâtinées brumeuses. Difficile en effet de résister à des compositions aussi addictives que "Pageant square" et sa guitare ondoyante, "Piss diary", "How cruel" (leur mentor Elliott Smith pulvérisé) ou le barrettien "Fields" et même un élégiaque trip instrumental comme "Blue Eurasians", le genre qui agace d'habitude, paraît bien plus court que les sept minutes annoncées. Les Kingsbury Manx ont trouvé la pierre philosophale (arrangements délicats+grandes chansons) après laquelle les High Llamas de Sean O'Hagan, par exemple, courent depuis leur "Santa Barbara" de 1992. Et on ne peut s'empêcher de penser que le terme "easy-listening" semble avoir été inventé pour eux : une musique facile à écouter parce qu'elle porte en elle tout ce qu'on recherche depuis longtemps, et qui donne envie de continuer à chercher. (Popnews)
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le 3 avr. 2022

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