The Lone Gunman
7.8
The Lone Gunman

Album de Idaho (2005)

La clé du nouvel album d'Idaho est peut-être à trouver dans la chanson Some Dogs Can Fly, quand Jeff Martin chante d'une voix effondrée: "Inside my head, there's a big king size bed/I'm gonna be here for a few more hours". Non que A Lone Gunman possède des vertus soporifiques, mais il marque une étape supplémentaire dans le lent chemin vers l'abstraction et le délitement que le Californien semble prendre depuis dix ans et plus particulièrement depuis le formidable The Forbidden Ep, en 1997. De moins en moins de notes dans de plus en plus d'espace, de plus en plus de ciel et de moins en moins de terre ferme. Les guitares sont devenues aériennes pour disparaître complètement aujourd'hui, la voix s'est faite fantomatique, le piano et les claviers ont pris le pouvoir. La beauté pure est restée et Idaho enchaîne les disques bouleversants, emmenant dans son sillage une poignée de fans (é)perdus. Une partie des dix-sept morceaux échappe au format chanson et prend la forme de courtes séquences instrumentales finement ouvragées, traversées par le murmure de Jeff Martin. Wet Work, Cactus Man Rides Again ou U Got That Gunman Thang sont de petites mécaniques fragiles aux rouages rythmiques complexes, enroulées dans des nappes de synthétiseurs analogiques, doucement frappées par des notes de piano en cascade. Symbole de la mutation à l'oeuvre, The Mystery évoque irrésistiblement Kid A de Radiohead, tout en portant l'empreinte forte de l'écriture de Martin. La permanence est là, dans ces chansons sublimes que Idaho distille encore généreusement sur ce dixième Lp : When Sunday Comes, You Flew ou Cherry Wine déploient des mélodies puissantes dans une atmosphère dense. ECHELON sonne comme un orage électromagnétique déchirant. Rares sont les disques aussi radicaux et personnels qui se laissent approcher si facilement. Chef-d'oeuvre d'une plénitude absolue, A Lone Gunman confirme que Idaho n'est plus seulement un état américain ni même un état dépressif, c'est un continent à la dérive. (Magic)


Solitaire, il l'est, le tireur Jeff Martin. C'est pourtant accompagné d'une armée d'ombres qu'Idaho sort son dixième album : on voudrait citer Lambchop, Sparklehorse ou Will Oldham, mais on préfère s'abstenir des références pour mieux savourer la classe incroyable entendue sur ce "Lone Gunman" aux tempos ralentis et aux arrangements minutieux. Cris murmurés, cordes entrelacées, boucles de piano plus enivrantes qu'entêtantes, batterie métronomique, et de-ci de-là, un tuba discret, ou une boucle électronique bien placée. Il m'a fallu un bon mois, à raison de deux ou trois écoutes par jour, pour digérer ce morceau de bravoure – c'est le privilège des grands albums que de passer directement de la surprise enthousiasmante au panthéon personnel. Ce qui est chouette chez Idaho, et en particulier sur cet album, c'est que le côté orfèvre ne prend jamais le pas sur l'immédiateté de la musique, sans doute parce que les arrangements, pour méticuleux qu'ils soient, restent toujours au service des morceaux. Et c'est pour cette même raison qu'une fois sur la platine, très vite le disque prend beaucoup de place : on l'essaie au réveil, pour apprécier sa douceur émouvante ; l'après-midi, écoute plus attentive – on commence à en percer quelques mystères ; le soir, l'ambiance crépusculaire touche davantage. Un grand disque, je vous dis, qui peut s'écouter aussi bien religieusement que d'une oreille tranquille et distraite, tant ses mélodies tiennent à la fois du beau et du familier. La question reste d'ailleurs en suspens : Jeff Martin a-t-il trouvé la voie de la sagesse (pour calmer autant le jeu), ou est-il complètement désespéré (pour chanter comme il le fait) ? Encore quelques centaines d'écoutes, et je vous donne la réponse.(Popnews) 
bisca
7
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le 1 avr. 2022

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