Terry Callier ; ce nom ne dira probablement pas grand chose à certains. Peut-être même rien à la plupart.
Il est ce genre de personnage sans histoire, hors du feu des projecteurs, sans lumière de fait. Pourtant, ce natif de Chicago a beaucoup de choses à raconter. Un visage doux, une allure à la Richie Havens avec juste sa guitare comme compagnon. Et une voix. Quelle voix !
Près de 50 ans après la parution de son premier album étrangement nommé "The New Folk Sound of Terry Callier" (à la base il devait s'appeler "It's About Time"), cette fameuse voix résonne encore par-delà le disque sur lequel elle est gravée. Accompagné de deux contrebasses, Terry Callier épure la musique. Il la rend vraiment humaine et accessible. On lit les écorchures à travers les 8 titres de l'album. Et, d'entrée, le timbre d'un autre âge de "900 Miles" m'a donné des frissons. Littéralement. Il est habité. Complètement. Il est le commencement d'un voyage d'une beauté aussi traumatisante qu'énigmatique. On sent à chacune des notes jouées, une appropriation quasi viscérale. "Spin, Spin, Spin" (démocratisé par HP Lovecraft) en témoigne tout autant. Comme son titre l'indique, il s'agit d'un tourbillon, d'un vertige fait de cercles incessants. Discontinus. C'est juste beau. Presque surnaturel.
Et puis on se demande si ce que l'on écoute est vraiment réel. J'ai eu cette impression dès le début. Comme happé par une force, quelque chose qui arrive très rarement dans une vie musicale. Des sensations similaires à celles que j'ai eues pour la toute première fois après avoir écouté Kind of Blue de Miles Davis. La magie a de suite opéré. Difficilement explicable. Pas scientifique, juste sensoriel.
Le coeur de l'album est une suite de cinq titres dans lesquels l'alchimie continue le travail qu'elle avait commencé auparavant : à savoir vous clouer avec une voix, une guitare acoustique, deux contrebasses. C'est sur ces bases que Terry Callier s'est appuyé pour enregistrer son album. Il a pris comme référence John Coltrane et son opus "Meditations" au sein duquel seules deux contrebasses accompagnent le saxophoniste. Et le résultat est stupéfiant. D'autant plus stupéfiant qu'il fut enregistré en quelques heures (sic !) un après-midi de printemps 1965 avec la majeure partie des morceaux bouclés en une seule prise. Question de budget oblige, dira-t-il dans une interview.
La chanson qui clôt la galette est, à l'instar de 900 Miles, un bijou. Pris dans le répertoire de Travis Edmonson, "Je suis un vagabond" est un résumé de l'album. Le leitmotiv est celui d'un homme qui est loin de chez lui, seul, sans famille. Une pierre qui roule, guitare à la main, chantant tel le forçat dans les champs de coton. La rage contenue et le désespoir évacué. Des textes sans fioriture. Dépouillement extrême.


Découverte majeure d'un album auquel il est indispensable de (re)donner ses lettres de noblesse.


Post-scriptum :


Le seul souci demeure dans la date de parution : 1968
La musique a évolué depuis 1965 et la folk n'est plus à l'ordre du jour. La mode avait changé. De fait, cet album majeur est complètement passé inaperçu. La faute à Samuel Charters (boss du label Prestige) qui s'était volatilisé au Mexique avec les bandes. Sombre histoire. Triste et injuste surtout car qu'aurait été la carrière de Callier si ce "The New Folk Sound of" était sorti comme prévu en 1965 ? en plein boom de la folk. Mystère.

lehibououzbek
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le 29 févr. 2016

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lehibououzbek

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