The Pursuit
7.2
The Pursuit

Album de Jamie Cullum (2009)

Jamie Cullum, jazzman d'un nouveau genre

Il existe peu d’artiste pour qui j’ai eu une si rapide affection tant musicale qu’humaine. Souvent ce n’est qu’avec le temps et quelques recherches que les préjugés tombent et laissent apparaitre la vraie nature des chanteurs qui font mes journées. Alors qu’avec Jamie Cullum, ce fut le coup de foudre. Tout est parti, en 2009, d’un petit magazine en libre-service dont il faisait la couverture pour ses 30 ans et son album du moment : The Pursuit. J’avais déjà vaguement entendu parler de lui, un jeune pianiste voulant rabibocher jazz et pop. Un projet bien trop saugrenu pour que ma curiosité en soit titillée à l’époque. Mais devant cette couverture, ce trentenaire dans son fauteuil de prince du jazz m’a paru si confiant (et bizarrement, si rassurant) que je me suis empressé de me procurer The Pursuit. Grand bien m’en a pris.

Pétillant et plein d’audace, cet album laisse entrevoir ce que la pop et le jazz ont de meilleur à offrir lorsqu’ils marchent main dans la main. Passé la première écoute, (qui fut en réalité une bonne vingtaine d’écoutes en boucle) à chaque fois que je relançais The Pursuit je me disais « cette chanson est le pilier de l’album », bien entendu à chaque fois il s’agissait d’une chanson différente. Il n’existe pas de pilier comme j’aime le faire remarquer dans d’autres albums. Celui-ci est construit différemment, il n’est pas fixe, il se module suivant votre humeur du moment. Un jour de joie et « Mixtape » devient votre hymne, un jour de spleen et c’est « If I Ruled The World » qui viendra se caler en bande son de votre journée.
Ce n’est pas anodin si je parle de bande son car, du haut de ses 30 ans, Jamie Cullum a déjà signé en grande partie la BO de « Bridget Jones » et celle de son ami Clint Eastwood sur « Grand Torino ». J.Cullum a l’habitude de placer ses notes sur la vie de tout un chacun, et encore une fois avec cet album il le réussit parfaitement.

Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, le jazz et la pop s’entremêlent tout le long de l’écoute ; même si la pop laisse parfois la politesse sur certain morceaux, ainsi « Just One Of Those Things » ou « I Think, I Love » sont entièrement jazz. La puissance du premier cité est à saluer tant les cuivres sont utilisés de façon à envoler la chanson au lieu d’être joués en fond sonore. C’est un peu le mal du moment, les cuivres sont souvent cantonnés à une utilisation unique : le background. Le domaine le plus touché et où, plus étonnant, tout le monde en redemande, c’est au cinéma. Il n’existe presque plus une seul BA ne contenant pas son contingent de cor et de cuivres militaires… Ici, avec cette reprise de Cole Porter et la participation du Count Basie Orchestra, c’est une toute nouvelle énergie qui nous transperce dès les premières mesures de l’orchestre. Lui-même, lors d’une interview, déclare avoir été renversé de sa chaise lors ce que l’orchestre à souffler ses premières notes !
Il n’y a pas de réel chanson pop, le son du piano est trop présent pour oublier le jazz. Les meilleurs mélanges sont souvent les plus audacieux. Si « Mixtape » est des plus entrainant, ce n’est pas la plus recherchée (mise à part sur les paroles qui prêtent à sourire pour tout amateur de musique qui se respecte car ils se reconnaitront dans cette description du quotidien d’un mélomane.) Elle n’en reste pas moins une superbe chanson de concert, d’ailleurs puisque j’en parle, il faut absolument découvrir Jamie Cullum en live. C’est un « performer » jouant du piano comme personne et faisant corps avec son instrument presque animalement. Il aime le public et il aime la musique, c’est tout ce qui compte. Pour vous guider je vous propose le concert du nouvel an à Bale « AVO Sessions » datant de 2010 gratuit sur Youtube, il existe même une chaine le déroulant chanson par chanson. (Pour les plus intéressé(e)s, je l’ai téléchargé. Donnez votre adresse dans les commentaires et je vous l’envoie aussitôt !) C’est une merveille.
Revenons à nos moutons et surtout aux audaces (et réussites) de mixage pop/jazz de cet album résidant dans deux titres : « We Run The Things » et surtout dans « Music Is Trough ». Le premier est un savant mélange de Keziah Jones et de Radiohead, le tout enrobé dans un fouillis de sons électro. Pas forcément abordable à la première écoute, les refrains sont tout de même là pour assurer une certaine cohésion dans le morceau. Puis, j’ai une affection toute particulière pour « Music Is Trough », il m’évoque une sorte de liberté (piano) mêlée à une course folle (basse). Partant sur des bases presque rock, c’est dans les refrains que l’on prend conscience de la toute-puissance de l’orchestration nous balançant un rythme toujours plus entrainant dans ce qui semblait déjà être un train à pleine vitesse. Comme toujours le piano s’invite dans des lieux où personne ne l’a jamais entendu et c’est des plus agréables. Dans le duel basse/piano c’est à se demander qui aura le dernier mot, comme une course que chacun domine à son tour. Musicalement on touche Pierrick Pédron d’une main et Thelonious Monk de l’autre. Autant dire que cette dernière chanson va vous laisser avec une seule envie : recommencer l’album !

Alors bien entendu, je ne me suis pas épanché sur la reprise de « Don’t Stop The Music » qui vaut mille fois la version originale de Rihana (et qui en concert vaut son pesant de cacahuètes pour la performance au piano), ni même sur le superbe « If I Ruled The World » qui ruled my world depuis ma première écoute. Je serai bien trop expansif à ce sujet que j’ai déjà eu l’occasion d’aborder dans un autre article pour la reprise de Rihana, alors que pour l’autre seul les sentiments peuvent être mis en avant sur un tel chef d’œuvre (qui est d’ailleurs aussi une reprise de Harry Secombe ou Tony Bennet « depending on how cool you are » comme le dit Jamie !)

C’est un album plein de rebondissement, et si je n’ai pas cité la moitié des chansons c’est simplement que je n’ai traité que l’aspect mélange des genres. Mais, chaque morceau vaut la peine d’être écouté car que ce soit « Wheels » ou « You And Me Are Gone » ou n’importe quelle chanson de The Pursuit, ce sont toutes de petits instants de vie agréable à revivre à volonté. C’est un album foncièrement joyeux, même le spleen ne parvient à s’installer lors de cette écoute.
Frusciendrix
10
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Créée

le 4 mars 2013

Critique lue 547 fois

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