Horace Tapscott Quintet – The Quintet (2022)
Le label « Dark Tree » qui s’est fait une spécialité de déterrer les concerts inédits d’Horace Tapscott, au grand bonheur des amateurs, vient de se découvrir une sorte de concurrent avec le label « Mr Bongo ». En effet ce dernier ne s’est pas contenté de l’enregistrement d’un concert oublié, mais nous présente des bandes originales enregistrées en mille neuf cent soixante-neuf, prévues pour devenir le second volume de l’album « The Giant Is Awakened », qui ne verra jamais le jour… avant cette résurrection !
Du coup c’est du format d’époque, trois titres et un peu plus de trente-sept minutes d’une musique enflammée et même torride ! Horace est au piano, il bénéficie du concours du stupéfiant Arthur Blythe au meilleur de sa forme au saxophone alto, d’Everett Brown Jr. à la batterie et de deux bassistes complémentaires, David Bryant & Walter Savage Jr.
C’est Bob Thiele lui-même qui supervisa l’enregistrement, il venait de quitter « Impulse » avant de créer « Flying Dutchman » et de se lancer dans une longue série d’enregistrements. L’album est très dense, il commence sur les chapeaux de roues avec « World Peace », une pièce signée Everett Brown qui connaît des passages pleins de turbulences, propices aux embardées d’Arthur Blythe qui se régale sur ce genre de terrain.
Mais ce n’est que le début du parcours qui s’élève encore avec la seconde pièce, « Your Child », qui s’ouvre sur une chouette mélodie, très lyrique, une sorte de spiritual un peu blues qui fonctionne bien avec ces deux basses, une frottée à l’archet et l’autre pizzicato. Cette première partie est illuminée par un magnifique solo d’Horace Tapscott qui déploie son immense savoir-faire sur le clavier, jusqu’à nous émouvoir profondément.
C’est Arthur Blythe qui assume la seconde partie en prenant la relève à l’avant, ils sont tous derrière à l’accompagner, le saxophoniste s’inscrit parfaitement dans le sillage du pianiste et conduit à son terme cette magnifique pièce. La dernière, « For Fats » provient directement de « The Giant Is Awakened », mais en lui donnant une dimension et une ampleur exceptionnelle, elle passe d’un peu plus de deux minutes à seize !
La pièce signée Arthur Blythe est plus sombre, plus chargée, elle avance saccadée, comme par bribes, hoquette, elle semble vouloir échapper aux règles communes et s’avère plus libre dans sa forme, mais obéissant sans cesse à une pulsion, à une poussée qui l’emmène contre vents et marées, dans un second mouvement c’est Horace qui s’empare du solo et se retrouve à son tour le jouet de cette énergie.
Il semble que cette expérience avec une major n’ait pas été si profitable à Horace Tapscott puis qu’il continua sa trajectoire discographique en faisant confiance aux labels indépendants. Mais l’album est vraiment très bon !