Avec son allure passe-partout, ce peu charismatique quintette de Manchester, malgré une discographie assez irréprochable (quatre albums au compteur), peinait à susciter l'enthousiasme. Parce qu'on l'associait à ces multiples émules sérieux et appliqués de Coldplay - Doves, Athlete, Snow Patrol, Keane... Sans compter ce nom, Elbow (« coude »), franchement peu engageant. Pourquoi pas genou ou clavicule ? The Seldom Seen Kid, paru en Angleterre en avril dernier (et carton de l'année outre-Manche), ne sort en France que maintenant. A son écoute, on est soufflé. Dès les premières notes de Starlings, Guy Garvey, leader, chanteur et auteur du groupe, fait s'envoler tous nos préjugés. Car aussi minutieuse et élaborée que paraît leur musique, ce sont l'émotion, la sensibilité, une certaine grâce même qui prévalent. Et si l'on comprend qu'Elbow puisse aisément satisfaire le public des plus grands stades avec leur pop grandiose, c'est avant tout à de précieux aînés disparus que l'on songe : Blue Nile et Talk Talk. Elbow maîtrise cet art si rare de remplir l'espace avec peu, accrochant et surprenant continuellement l'auditeur avec tel effet sonore qui tombe à pic, tel arrangement orchestré approprié, telle intonation vocale intrigante (la voix, très expressive, de Garvey évoque parfois le Peter Gabriel de Don't give up). An audience with the pope est une de ces chansons miraculeuses qu'on ne cesse de réécouter en se disant que finalement, non, la pop et le rock ne sont pas juste condamnés à se répéter. Il reste des mélodies, des constructions à créer. Certaines se trouvent sur ce remarquable Seldom Seen Kid.HC
Cette chronique est une petite réhabilitation : le quatrième opus d’Elbow, sorti en 2008, est passé curieusement inaperçu en France, il a pourtant décroché le Mercury Prize outre-Manche. Bref retour sur la carrière d’Elbow : formé en 1997, le quintet est rapidement signé par Island, et tout aussi rapidement renvoyé pour d’obscures raisons. Une poignée de EPs sort sur un label indépendant, et le groupe réalise son premier album en 2001, "Asleep in the Back". Suivra fin 2003 "Cast of Thousands", collection de pop-songs parfaites, notamment porté par le single Not a Job.Le suivant, "Leaders of the Free World" (2005) déçoit : on a le sentiment que le groupe cherche à capitaliser sur son succès, en sortant trop vite un album non abouti. "The Seldom Seen Kid" renoue avec les hauteurs de "Cast of Thousands". Entrée en douceur avec le morceau Starlings, dominé par la voix de Guy Garvey. Cette voix était déjà l’un des points forts du groupe, et elle semble avoir encore gagné en subtilité, en souplesse et en expressivité. The Bones of You et Mirrorball reposent sur des mélodies imparables et des arrangements quatre étoiles. Guitare et claviers se répondent en délicats arpèges. Suit Grounds for Divorce et sa mélodie bluesy. Weather to fly et One Day like this sont des morceaux à la beauté simple et évidente comme Elbow sait si bien les écrire. La deuxième moitié de l’album reste très agréable à écouter, mais comprend quelques morceaux plus quelconques. Au final, on pourrait reprocher à ce disque son coté policé et presque trop cohérent : sur "Cast of Thousands", certains titres partaient dans des directions plus expérimentales, et chaque morceau avait sa propre identité, ce qui était propre à réjouir le mélomane aventureux. Tandis qu’avec "The Seldom Seen Kid" on reste finalement sur des sentiers plutôt balisés. Mais ne soyons pas trop durs et savourons plutôt les petites merveilles présentes sur ce disque. (indiepoprock)
On avait, dès la première échographie d’Elbow, décelé chez les Anglais quelques vilains tics d’amateurs de rock progressif : Asleep in the Back, leur premier album laissait entrevoir un penchant pour certaines œuvres de Genesis ou Yes, derrière un songwriting pourtant assez soigné pour que l’idée de descendants légitimes du OK Computer de Radiohead se profile par instants. Le souci c’est qu’Elbow a vieilli, et ce qui n’était au départ qu’une petite inclinaison pardonnable prend désormais toute la place : ce quatrième et nouvel album The Seldom Seen Kid est parfois bouffi – on sourira du fait que le groupe officialise lui-même les bases de cette séparation en intitulant un morceau Grounds For Divorce. Car si les chansons d’Elbow ne sont pas détestables, elles manquent un peu de tout : trop basiques aujourd’hui pour s’attribuer le parrainage de Radiohead, trop molles pour lorgner vers celles de Muse, trop banales pour qu’elles n’appartiennent qu’au groupe (inrocks)