The Sophtware Slump
7.8
The Sophtware Slump

Album de Grandaddy (2000)

Je crois que si j'ai autant aimé The Sophtware Slump à une époque, c'est en grande partie pour He's Simply, He's Dumb, He's The Pilot, une immense chanson, longue (cela a son importance car les titres longs ont tendance à s'imposer davantage, par leur aura et leur ambition), à la beauté reposante aussi écolo qu'étrangement rétro, avec ses claviers bontempi qui sont la marque de fabrique du groupe. La musique de Grandaddy dégage un charme bucolique nostalgique flirtant entre technologie d'arrière garde complètement dépassée, voire kitsch, et envolée lyrique futuriste.

Ce groupe c'est un peu le néo rétro incarné, et pour les thèmes qu'il traite (l'écologie, la technologie, la nature, les robots, le futur) et l'ambiance qu'il dégage, The Sophtware Slump est en quelque sorte un disque symbolique qui se pose là pour le passage à l'an 2000. Et on ne peut en effet s'empêcher d'être émerveillé devant toutes les petites trouvailles mélodiques qui hantent ce disque apparemment sorti d'un âge révolu : les pianos, les claviers, les bruits de toutes sortes, la voix du chanteur Jason Lytle, les guitares abrasives qui semblent excessives face à la délicatesse de la plupart des chansons. L'équilibre des chansons est instable, comme si le groupe tenait à souligner la fragilité et l'incertitude à la fois de sa musique et de la nature qu'il chante.

Je dois dire que j'ai vraiment aimé The Sophtware Slump mais que j'en ai épuisé l'essence, aujourd'hui, et qu'il ne me touche plus autant que par le passé. Les petits bidouillages qui pouvaient me réjouir me paraissent désormais un peu futiles, pour ne pas dire irritants (la boucle sur The Crystal Lake) et dans tous les cas ne semblent pas apporter autant qu'ils le devraient ou qu'ils sont censés le faire (enfin j'imagine qu'ils sont là pour ça, ou alors c'est vraiment du maniérisme vain), bien qu'il subsiste certaines exceptions (les claviers de Chartsengrafs, ceux de Jed's Other Poem) qui prouvent que des passages sont quand même plus réussis que d'autres.

A l'époque où j'ai découvert le disque, je le considérais comme un grand disque émouvant, lyrique, épique, mais en fait je crois que je me faisais trop d'idées et je n'arrivais pas à percevoir la véritable émotion qui perçait à travers les chansons. Je m'étais construit l'image d'un monolithe alors que l'album n'est pas aussi parfait que j'essayais de me convaincre. Le problème, je pense, résidait déjà dans ces petites perturbations sonores qui m'embarrassaient plus que je n'osais l'avouer et qui exposent les chansons à des sortes de montagnes russes de sensations et de plaisir contradictoires (symbolisé à merveille par Broken Household Appliance National Forest, aussi délicat qu'épileptique et agaçant lors des accélérations de rock saturé).

Pourtant la fragilité et la mélancolie avérées de certains passages continuaient à me faire voir en The Sophtware Slump un grand disque et finissaient d'achever les réticences et les doutes qui commençaient à émerger. Je pense que la vérité se situe quelque part entre les deux, entre l'aura du grand disque et les inégalités parfois dérangeantes. En fait, aujourd'hui, je retiendrais surtout du disque une poignée de chansons qui atteignent des hauteurs vraiment stratosphériques et sont vraiment touchantes, ou juste bien ficelées, en émettant des réserves sur des passages qui ne me font (plus), en vérité, ni chaud ni froid.

L'ironie de la chose c'est que certaines chansons qui me semblaient ne pas représenter la puissance émotionnelle du disque, ont fini par se révéler et sont justement celles que je retiendrais en priorité, alors que d'autres n'émettent plus rien. Jed The Humanoid et Jed Other's Poem sont deux vraies belles chansons (surtout la seconde) qui justifient clairement l'existence de l'album, alors que He's Simply, He's Dumb, He's A Pilot ne fait plus vibrer grand-chose en moi (je me suis trop pâmé devant l'introduction). Underneath The Weeping Pillow, à l'image du final, So You'll Aim Toward The Sky, sont de beaux moments aussi, l'un minimaliste, l'autre aérien, et je reste un indécrottable fan de Chartsengrafs qui envoie la purée tout en conservant cette sorte de fragilité et de sensibilité qui fait toute la force de Grandaddy.

Je continue à considérer The Sophtware Slump comme un bon, voire un très bon album, qui contient indéniablement de bien belles choses, mais il n'est pas aussi grandiose que l'image que je m'en étais forgée. Une fois dépassés les quelques artifices, je trouve que la musique perd un peu de sa puissance et de son mystère, elle ne rayonne plus, et l'envie de se repasser le disque se fait alors bien rare.
benton
8
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le 8 juin 2012

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benton

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