Ah que coucou!

Quelle belle époque qu'aujourd'hui pour parler des Wailers en France. Si les circonstances font que la semaine dernière, le trio original a pu se reformer sur la scène du paradis, mon propos se rapporte plus au langage courant actuel qui a inclut un mot fourre tout dans notre patois. Le mot bobo.

Alors je n'ai rien contre la plupart des descriptions qui conviennent à ce mot qui pourraient tout autant me cibler que la plupart de mes voisins, mais, en l'utilisant, je vais tenter d'expliquer quelque chose que j'ai toujours eu sur la patate.

Robert Nesta Marley est surement le premier chanteur international, n'aillons pas peur des mots, le premier artiste international que j'ai connu. La faute, en partie, à mes frangins et leurs posters qui ornaient les murs de notre chambre commune chez mon père. Mais aussi à la compile Legend, sortie en CD en pleine adolescence, qui a inondé toutes les boom party, les baloches de campagne, méchouis etc... Autant vous dire que des titres comme Buffalo Soldiers ou Could you Beloved me ressortent par le moindre pore.

Une caractéristique criante de mon tempérament est mon coté contradictoire à mon environnement et il m'en a pas fallut plus pour le détester, alors quand j'ai aperçu une fois une interview de Princesse Erika dans laquelle elle disait "ma plus grande influence en parole, c'est Bob Marley", m'est venu au bout de la langue une expression qui n'existait pas encore et que personne à l'époque n'aurait compris, "Toi, t'es fan de Bobo Marley".

Malgré le nombre de perles reggae qui fournit mon disque dur, il se peut que n'aime toujours pas ce genre de musique, car, moi, vous voyez, mes petits gars, je viens de là, je viens du blues et je suis un rocker, un vrai. Alors si je dois apprécier une musique qui vient de la Jamaïque, c'est le rocksteady et donc ses origines comme le ska, venant du rythm n'blues jamaïcain, provenant lui même du rythm n'blues du sud des US, comme de ses variantes, comme par exemple... le reggae.
Ce qui est marrant, c'est qu'en appréciant le rocksteady, je me suis mis à vénérer les Wailers, aujourd'hui un de mes groupes favoris, avec dans ce groupe un chanteur particulier, Bob Marley.

La distinction ne tient à pas grand chose, disons juste à une pochette de disque. Celle de The Wailing Wailers. En Jamaîque, la mode est encore au rude boy, ancêtre du badass, et le trois amis forment un trio essentiellement vocal. L'ile est indépendante depuis peu, et , à l'instar du Congo et de sa rumba, les studios d'enregistrements enregistrent sans cesse toutes sortes de groupes de manière à remplir les ondes d'une vibe culturelle propre, majoritairement du ska. Ce qui n'exclut pas, bien entendu, l'influence black US en pleine émancipation à l'époque. Si dans certaines campagnes de l'ile, disons au vert, des communautés se réunissent autour de tamtams, en ville les sounds systems tournent en boucle pour animer une ambiance pauvre mais festive.

Bababa, en un paragraphe je viens de vous raconter la naissance d'un genre musical à part entière. C'est simple, disposons les éléments autrement. Le ska étant une musique principalement instrumentale, le trio va commencer par poser ses voix dessus, tout en enregistrant des classiques de rythm'n blues ou de doo wop. Ainsi ce qu'on a l'impression de voir comme un album n'est en fait qu'une compilations de morceaux enregistrés les trois dernières années. Les paroles de chansons locales, sont inspirés du mento et gardent un coté potache et salace tandis que les reprises conservent un coté plus conventionnel. Nos trois compères enregistre tout ce qui peut les diriger vers une certaine notoriété locale. Très rapidement le chant de Bob Marley se dégage, mis en valeur par les contrepoint falsetto de son demi frère surnommé Bunny. De son coté Peter Tosh a une vue plus précise sur la direction musicale du trio, sur les influences principalement identitaire black.

Si mon texte vous semble disparate, c'est donc à l'image de cette assemblage de titres qui forme un vrai terreau pour le futur. Pendant 5 ans, le trio va continuer de tourner sur ce principe,enregistrant et réenregistrant des compositions qui vont suivre les modes. L'exode rurale va ramener nombre de tamtam, de verdure ainsi qu'une spiritualité développées récemment. Les sounds systems, sans cesse alimentés, vont mixer, remixer, accélérer, ralentir tous ces rythmes mélangeant toutes les influence et exerçant une inspiration sur les enregistrements. C'est ainsi qu'on va obtenir le rocksteady deux ans plus tard et le reggae dans la foulée.

Pour en revenir à ce disque, oui, bien sûr, il y a des titres pas terribles mais il ne s'agit que d'une sélection choisie en fonction de critères locaux et temporels, un peu comme un bld des hits. Mais peu importe, dès cette époque nombre de titres qui deviendront des classiques des Wailers en rocksteady, reggae ou international ou les trois sont déjà là ou sur d'autres bobines et la seed n'a plus qu'a growing avant qu'un shériff tente de les tuer.

Si j'ai un regret particulier pour les Wailers, c'est qu'il y a très peu de photos pour des raisons évidentes et l'illustration de la pochette est tirée de l'une des rares séances de shooting des années 60. Un document rare ou les trois sont réunis souriant. Le seul témoignage d'une effervescence sans limite. Plus tard le trio rencontrera Lee Perry, qui leur adjoindra son band, les Upsetters et l'union formera le groupe des Wailers dans sa première mouture internationalement admise. La création est à son comble jusque l'album Catch A Fire'. Peut être un choc pour le monde entier, mais soyez sûr que la Jamaïque entière connaissait toutes ces chansons depuis des années dans de multiples versions.

Pour moi, l'histoire s'arrête là. Si je devais faire un film sur Bob, son histoire serait indissociable de Bunny & Peter et s'arrêterait à l'orée de leur carrière mondialisée. Quand l'un a décidé de bien penser, quand l'autre a décidé de mal penser et quand le dernier a décidé de ne pas penser du tout. Vous voyez je retombe sur mes pieds, "mondialisé", "bien penser", les mots du moments.