Délaissant totalement sa guitare folk au profit d'un inconsolable piano de bois brut, le prolifique Chris Hooson, apparemment très à son aise dans le costume élimé de chef d'orchestre des rayons indépendants de magasins de disques, écrit et enregistre désormais de la musique de chambre. Précisons d'emblée que l'on parle bien ici du meneur de jeu de Dakota Suite, qu'un certain sectarisme musical empêchera à tort d'accéder un jour au statut, pourtant largement mérité, de compositeur dit classique. Il suffit pourtant d'écouter quelques mesures de la mélancolie baroque distillée tout au long de The Way I Am Sick, le dernier double album en date du bonhomme, pour envisager un destin brillant à une musique qui se serait comme trompée d'époque. On notera d'ailleurs à quel point la pochette illustre à merveille ce disque de contrastes, dont les seules cordes d'un violoncelle suffisent à imager la religiosité du propos. Née pour être interprétée dans une cathédrale, la dernière oeuvre en date du ténébreux Hooson frappe en effet par sa gravité magistrale et son imposant lyrisme. En dehors de Godspeed You Black Emperor! et ses envolées telluriques, on ne trouvera d'ailleurs aucun contemporain auquel comparer Dakota Suite. Reste encore la solution de fermer les yeux et de s'abandonner, une fois la nuit tombée, à ce précieux moment de temps suspendu et de parcourir ce territoire, entre rêve et réalité, jusqu'aux premières lueurs du jour.(Magic)


Aussi beau soit-il, j'avais décidé de ne pas chroniquer cet album. Je me suis dit que j'allais me répéter, que j'allais parler de musique instrumentale, de violons, de mélancolie, comparer cet album à du A Silver Mont Zion sous valium ou au récent Sylvain Chauveau. C'est aussi parce que j'étais plus enclin en ce début de printemps à écouter un bon album de pop joyeux et léger, qu'un disque qui siérait bien à la réussite de votre prochaine rupture ou pendaison. Dakota Suite ce n'est jamais très joyeux encore moins lorsque, comme ici, Hooson et sa bande décident de sortir un album instrumental. Mais force est de constater que cet album est intéressant, notamment parce qu'il est à replacer dans le parcours artistique du groupe. On connaissait le goût de Dakota Suite pour les instrumentaux et j'imagine mal comment le groupe ira plus loin dans cette direction après ce "The Way I Am Sick". Cet opus, en deux disques et une heure de musique explore tout ce que ce groupe peut faire de plus poignant mais également de plus soporifique (soyons honnête), dans ce domaine. Le premier disque de ce double album semble relever d'un vieux rêve de la part Chris Hooson, la tête pensante de Dakota Suite, à savoir réaliser un album avec un orchestre de cordes sans aucune guitares, avec seul un piano et un orgue pour sous-tendre les compositions. Une épure et un exercice de style, en somme. Le premier morceau frise le génial sous la forme d'une marche funèbre construite autour de nappes de cordes plaintives et étirées sur lesquels s'égrènent quelques notes de piano. Puis un orgue lugubre vient s'ajouter à l'affaire et le morceau ne semble alors pouvoir s'apprécier qu'à la lueur d'un réverbère à pétrole éclairant un cimetière anglais. Jack l'éventreur n'est plus très loin. Fatalement, la suite n'est pas toujours à la hauteur de cette ouverture, de loin le titre le plus ambitieux de l'album (voire du groupe). Signe de son importance, ce morceau couvre à lui seul le tiers de la durée du disque. Quant aux autres morceaux, ils sont moins intenses, plus diffus, plus gais aussi. Il s'agit plus là d'une bande son de la contemplation (de l'ennui ?). Le deuxième disque de ce double album est une compilation d'instrumentaux piochés dans les anciens albums du groupe. C'est pour cela que "The Way I Am Sick" est une superbe entrée en matière pour ceux qui découvriraient Dakota Suite. Les morceaux ici sont plus intimistes, plus fragiles comme en témoignent cet inédit duo métronome/piano sur "To Have Wondered" qui arrive à nous projeter dans la solitude et le quotidien de l'artiste ou ce "One For The Shoeshine" qui semble ressusciter la trompette de Chet Baker sur fond d'un doux piano et de percussions indiennes. Dakota Suite est peut-être le seul groupe à composer des instrumentaux de cette manière, avec cet art du minimalisme évocateur, le seul à réussir avec si peu ce que d'autres peineraient à faire avec un orchestre symphonique.L'ensemble forme un bel objet musical et visuel (superbe pochette, comme à son habitude et quelques textes ), mais inégal donc bancal. C'est un peu dommage. "The Way I Am Sick" reste une belle introduction à l'univers atypique de Dakota Suite.(Popnews)
bisca
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le 22 mars 2022

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