On le savait depuis le début : cette Suédoise a le don de souffler le chaud et le froid. Ou plutôt, le froid (The Diver) puis le tiède (Lori Glory, un changement qui traduit l'évolution de sa carrière depuis son tout premier album, Memories Of A Colour. Sur les 32 minutes que dure This Is, Stina Nordenstam excelle dans l'art de ne pas choisir son camp musical, de donner la possibilité de s'exprimer sur tout et de tout exprimer. Et qui d'autre pouvait se permettre d'inviter cette endive de Brett Anderson sans que la collaboration ne tourne au ridicule ?La musique se ressent forcément de l'éclectisme forcené que s'impose la Suédoise, qui passe de l'acoustique à l'électronique sans sourciller, de la bossa à la musique contemporaine en passant par le jazz, du synthé au piano classique comme si Björk et Suzanne Vega ne faisaient désormais plus qu'une seule et même personne – fragile.


Drôle de trajectoire que celle de cette petite étoile du Nord, aventurière discrète d'une variété noble et toujours digne. Apparue en 1993 avec le scintillant Memories Of A Color daté de 1991 mais publié en retard ici , puis l'intimiste And She Closed Her Eyes, Stina Nordenstam n'a jamais connu l'éclairage médiatique rapidement transformé en overdose tapageuse de l'autre voix scandinave. Pourtant, avec Björk, Stina partage plus d'une familiarité : minois et corps enfantins, voix pure de fée lunaire et mystère insondable. Mais les comparaisons s'arrêtent là. Car contrairement à l'ancienne chanteuse des Sugarcubes, la Suédoise n'a jamais eu recours au service après-vente, ce passage promotionnel non obligatoire, et au "name-dropping", cette béquille artistique pour tirer vers soi la couverture des autres. Tant et si bien que tout ce que vous avez lu, vu ou entendu à propos du récent et ultra médiatisé Vespertine, vous pourrez vous le rappeler à raison à propos de This Is..., qu'il faut saluer et applaudir comme il se doit. Meilleur disque de sa carrière, le cinquième album d'une Nordenstam ici au sommet de son art est à ranger dans la plus belle collection automne/hiver 2001. Libérée de la société du spectacle par un mari fortuné, Stina n'a que faire des contingences de l'époque. Peu importe que la musique soit aujourd'hui affaire d'image. Elle n'en a cure, et préfère se lover dans son cocon familial plutôt que se montrer en public. À ce jour, elle n'a en tout et pour tout que deux concerts à son actif ou plutôt son passif (une perte de temps, selon elle). Sortant exceptionnellement d'une tanière dans laquelle elle aime farouchement s'enfermer, cette reine du Nord nous a confié dans un rare entretien son goût pour la solitude : "Ce n'est pas un choix intellectuel, mais un trait fondamental de ma personnalité". Pourtant, quiconque l'entendra susurrer en ouverture "Everyone else in the world/Would love me by now/Would love me from day one/But not you" sublimissime invitation au voyage intérieur que constitue This Is... ne pourra s'empêcher de croire le contraire, espérant lui faire changer d'avis. S'ensuit un premier duo avec Brett Anderson où, sur fond de claviers spectraux (joués en particulier par Mitchell Froom, également à la production) et d'une rythmique robotique, les deux se lancent dans un pingpong mixte du plus bel effet (Trainsurfing). Puis retour aux chuchotements typiquement enfantins avec un So Lee aussi fragile qu'entêtant, aux allures de berceuse nocturne idéale. Brutalement réveillé par l'intro de The Diver imaginez Les Tambours Du Bronx un soir de fête de la musique ! , on sort de notre sommeil sur l'air délicieux de "Don't look back". Alternant donc le chaud et le froid comme d'autres le pire et le meilleur , la native de Stockholm, cyclothymique à souhait, aime autant prendre son auditoire à revers qu'elle déteste être rattachée à une scène, un courant, un groupe, une famille... Passés les "électroniriques" Circus et Stations, on retrouve le leader de Suede, plus "bowiesque" que jamais, dans un duo mélodiquement irrésistible (Keen Yellow Planet), qui s'enchaîne avec un Lori Glory porté par des tambours et trompettes villageois. Quant à Welcome To Happiness déclaration d'intention inattendue chez une fille aussi sombre , on dirait bien Björk produit par Matmos. Mais (forcément ?) en mieux. En pente douce, l'album s'achève sur une comptine désarmante (Clothe Yourself For The Wind) et un tube radiophonique (Sharon And Hope). Une demi-heure seulement s'est écoulée, on n'a pas vu le temps passer. Normal, une magicienne a osé.(Magic)
This is Stina Nordenstam" : un titre en guise d'invitation à pénétrer le petit monde tourmenté de la chanteuse suédoise, qui avec ce cinquième album laisse entrer l'air dans ses compos et ses textes. Bien loin de l'image qu'on a pu - à tort - donner d'elle, Stina prouve de manière éclatante sa propension à l'écriture de parfaites pop songs ni tristes, ni déprimées… seulement superbes. Mais qu'y a-t-il de particulier qui rend ces chansons si attachantes ? La voix, en premier lieu, une douce et gentille petite voix qui se blottit au creux de l'oreille pour n'en ressortir qu'après avoir retourné l'auditeur, ces arrangements inventifs - ici bien mis en valeur par le travail de production de Mitchell Froom (remember "99.9F°" de Suzanne Vega ?) et Tchad Blake (Lisa Germano) - , ces sons sortis de nulle part (la nappe brumeuse en arrière plan de Stations…), ces rythmiques toujours élaborées… Malheureusement, 31mn 59 s seulement nous sont laissées pour nous familiariser avec cette merveille, les morceaux parfois enchaînés étant réduits à l'essentiel, bien resserrés autour du texte… juste le temps de remarquer la voix de Brett Anderson (chanteur de Suede) sur 2 titres, dont un "Keen Yellow Planet" aux intonations très Bowie. Les habitués - des inconditionnels, forcément - seront sans doute un peu surpris, par le rythme soutenu de "Trainsurfing", les cuivres synthétiques sur "Lori Glory" ou la trop évidente "Sharon and Hope", mais retrouveront avec bonheur la richesse des précédents albums. Les autres pourraient bien être conquis d'emblée… Welcome to happiness… (indiepoprock)
bisca
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le 10 avr. 2022

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