La carrière musicale de John Frusciante est, à l'image de sa vie, très contrastée. Des grosses productions des Red Hot Chili Peppers dans un registre pop rock sirupeux aux délires toxicomanes à peine audible de Smile From The Streets You Hold, on peut dire que le pont est grand. Dans l'art comme dans la vie, Frusciante a toujours fait les choses sans concessions, à la recherche de lui-même. A 18 ans il rejoint les Red Hot, qui jouaient alors une musique Punk-Funk à 4000 volts, après la mort du précédent guitariste Hillel Slovak. Il enrigistre le survolté Mother's milk ainsi que le plus mélodieux Blood Sugar Sex Magic, produit par Rick Rubin qui aura un immense succès commercial. Un an plus tard, il quitte le groupe, sombre dans l'héroïne et la dépression et mène une vie chaotique cloitré dans sa maison de L.A. Après avoir frôlé la mort, il entre en désintox et, après une greffe de peau et de dents, se remet sur les rails.

L'album To Record Only Water for Ten Day s'inscrit dans ce retour à la clareté et symbolise une nouvelle éclosion créative et spirituelle. Entièrement composé par Frusciante sur un enregistreur numérique 8 pistes les morceaux de cet album sont d'une extrême simplicité et d'une grande beauté. Sur les structures très basiques des accords de guitares, se glisse une voix profonde et sincère, tantôt aigue, sussurante, tantôt plus grave. La particularité de cet album, entièrement composé par Frusciante est l'experimentation de synthés et de boites à rythme pour laquelle il s'inspire du style synth pop et new wave. Le résultat est une musique aérienne et d'une douce froideur. Les batteries donnent un caractère mécanique à l'ensemble.

La grande réussite de l'album, c'est les clips de Vincent Gallo, cinéaste que j'aime beaucoup. Pour chacun des 16 morceaux, ils mettent en scène John Frusciante dans un registre intimiste. Souvent faits de gros plans, ils se présentent comme des courtes séquences répétées en boucle dans des tons d'une blancheur saturée qui donnent une image à la fois brumeuse et une grande clareté dans un style sériel qui s'accorde parfaitement avec les batteries mécaniques de Frusciante. Ajoutés à la musique, ils créent un univers entre souffrance et résurrection, symbole d'une lente éclosion, d'un retour à la lumière. Les paroles de l'album sont dans un registre très introspectif, spirituel. Elles renvoient à une image contemplative du monde, à une paix intérieure enfin trouvée.

Cet album est donc un album du retour à la vie. Il exprime ainsi un calme et une sincérité touchants ainsi qu'un aspect minimaliste très appréciable. Cependant, il ne s'appréhende réellement que dans sa totalité car, pris individuellements, il n'y a pas de morceaux qui soit un réel chef d'oeuvre qui transcence l'esprit comme le sont nombres de chansons pop-folk du même genre. Malgré ça, il présente pour moi une force spirituelle qui pourrait le rendre comparable, modestement aux grands albums introspectifs de Syd Barrett et de Jackson C. Frank.
educharm
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le 25 févr. 2013

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