En 1988 paraissait, en pleines eighties héroïques, électro-pop ou paillettes, un album aussi anachronique que lumineux. The Trinity Session, des Cowboys Junkies, fut comme une révélation. Une fratrie canadienne, Michael et Peter Timmins, avait gravé, dans une église, avec leur soeur Margo aux vocaux, un disque sombre, beau, lent, intensément émouvant, dont le titre phare était une reprise devenue mythique depuis de Sweet Jane (que le grincheux Lou Reed en personne fut le premier à applaudir). Par cette rencontre inattendue mais non moins évidente et naturelle de Hank Williams et du Velvet Underground (avec une cousine de k.d. lang au chant), les Cowboy Junkies ­signaient là le manifeste d'une country ­déringardisée, ouvrant la porte pour des milliers d'enfants du rock à un genre musical qu'ils négligeaient ou méprisaient.Pour commémorer l'événement vingt ans après, les Timmins ont retrouvé le décor magique de l'église d'autrefois pour revisiter, avec des guests de choix (Natalie Merchant, Ryan Adams, Vic Chesnutt), et sous l'oeil de caméras, ce disque fondateur. Le résultat, à l'image comme à l'oreille, est superbe. La maturité acquise par les musiciens a rendu le projet certes moins innocent mais encore plus poignant. La voix, étoffée, de Margo ne craint pas de passer derrière celle toujours sublime de Merchant. Et, si la relecture de Sweet Jane demeure aussi impériale, le sommet est atteint sur un Blue Moon transfiguré grâce, notamment, à l'intervention d'un Vic Chesnutt visiblement transporté par l'environnement (le lieu, les êtres, les chansons). Magique. HC


Les Cowboy Junkies ont passé une grande partie de leur carrière à revisiter, avec brio, celle des autres. De leur Blue Moon Revisited, mélange d’un classique du duo Rodgers et Hart – spécialistes de comédies musicales – avec un air de leur propre inspiration, au Thunder Road de Springsteen en passant par le totalement hanté Sweet Jane de Lou Reed qui les révéla, ou encore l’album de 2005, Early 21st Century Blues, ils ont fait des reprises une belle part de leur répertoire. Aujourd’hui, les Cowboy Junkies revisitent leur propre chef-d’œuvre, The Trinity Session, enregistré il y a vingt ans. Le groupe s’est ainsi retrouvé en novembre 2006 dans l’église de la Sainte Trinité à Toronto, là où avait été enregistré en une seule nuit The Trinity Session. La fratrie Timmins, le bassiste Alan Anton et le collaborateur récurrent du groupe, Jeff Bird, y ont repris en intégralité et dans l’ordre les morceaux de l’album, invitant au passage quelques amis musiciens. La voix magnifique de Natalie Merchant se mêle ainsi à celle de Margot Timmins sur un Misguided Angel bouleversant puis transcende, solitaire, To Love Is To Bury. Le doux Vic Chesnutt emmène Margot Timmins sur Blue Moon Revisited et Dreaming my Dreams with You, poignant, et reprend, seul, Postcard Blues. Troisième invité, Ryan Adams sanglote sur I’m So Lonesome I Could Cry et s’invite sur 200 More Miles. Il se déchire avec Margot Timmins sur le bluesy I Don’t Get It, tandis que Natalie Merchant reprend ce même rôle sur Working on a Building. L’incontournable et narcotique Sweet Jane puis Walking after Midnight donnent une petite place à chacun. The Trinity Session, un des plus beaux disques de folk et blues tristes, trouve là une élégante seconde jeunesse. (Inrocks)
bisca
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le 22 mars 2022

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