Charles Lloyd – Trios: Ocean (2022)
Sorti récemment, voici le second volet de la série de trois concernant les "trios". Ici nous découvrons Charles Lloyd aux saxophones alto et ténor, ainsi qu’à la flûte, il est accompagné par le guitariste Anthony Wilson qui accompagne le plus souvent Diana Krall, et de son fidèle pianiste Gérald Clayton. Nous sommes toujours sur Blue Note. « Chapel » le premier trio avec Bill Frisell et Thomas Morgan était une belle réussite, « Ocean » a-t-il également relevé le défi ?
Déjà, en ouvrant la pochette on découvre le trio sur la scène du « Loboro Theatre » de Santa Barbara, qui nous regarde, les trois côte à côte, Charles Lloyd au milieu et les deux autres ceints d’un masque anti covid, pourtant personne n’est dans la salle et ce concert est fictif, mais la scène reste la scène…
Il y a quatre pièces ici, toutes signées de Charles Lloyd, la première, « The Lonely One » est jouée au ténor par le leader qui nous livre une compo « cool » dans un mode plutôt relaxant, son solo est inventif, sensible et lyrique, comme il sait faire, même s’il ne surprend pas.
Le second titre « Hagard Of The Inuits » est joué au soprano, avec une texture plus free, presque expérimentale, le temps pour Charles de citer un court extrait d’«A Love Supreme », le duo guitare piano qui s’affirme lors d’un solo surprend pour son audace, visitant des lieux où on ne les attendait pas, il se peut que cela désoriente le public habituel de Charles Lloyd qui joue souvent dans un cadre plus sécuritaire
La face B s’ouvre sur « Jaramillo Blues (For Virginia Jaramillo and Danny Johnson) où Charles joue de la flûte, il lui manque juste la maîtrise du piano pour évoquer un concert du grand Sam Rivers ! Virginia et Danny sont deux artistes, elle est peintre et il est sculpteur. La grille bluesy est bien là, la pièce fait plaisir et nous permet de profiter d’un beau solo du guitariste Anthony Wilson qui régale, et comme Charles est bavard également, tout va pour le mieux !
La dernière pièce « Kuan Yin » évoque le bouddhisme Thibétain, c’est probablement la pièce la plus forte ici, celle qui capte le plus l’attention et embarque le plus loin, il semble presque que les trois se trouvent pour la première fois unis et complices autour d’un projet qui tient à cœur, la complicité qui déborde ici transfigure la pièce qui flirte avec le sublime.
Charles au ténor retrouve ses « tics » anciens et fait ce qu’il sait faire le mieux, dérouler un solo magnifique en prenant le temps, par phases courtes et évolutives qui se déroulent jusqu’au bout du souffle. Les deux autres ne sont pas en reste qui sont également inspirés, laissant se dérouler le long ruban de l’improvisation tant que dure la créativité, en se passant le bâton du relais, l’un soutenant l’autre.
Sans doute moins intense que « Chapel » auquel il succède, mais un troisième volume est sorti qui contiendra, c’est sûr, de nouvelles surprises…