The National est depuis une dizaine d'années maintenant un étalon de la scène pop-rock indépendante nord-américaine. Apparus aux débuts des années 2000 où tous les yeux étaient tournés vers des jeunes gens plagiant avec plus ou moins de talent le garage et le post-punk de la fin des années 70 (The Strokes) ou inventant le psychédélisme 2.0 (Animal Collective), The National n'avait rien pour lui puisqu'en plus d'être déjà des trentenaires lorsque sort leur premier album, leur image et leur musique n'ont rien de glamour. Leur musique est un folk-rock urbain sombre, mélancolique portant des textes réalistes sur les affres de la trentaine. Mais à force de travail et de tournées, ils ont gagné en reconaissance.
Trouble Will Find Me est leur 6è album. Jusque-là, la carrière discographique du groupe a été une lente mais certaine progression vers un son plus pop et des arrangements touours plus ambitieux mais une écriture toujours raffinée et des textes d'une infinie noirceur. Le cercle de leur auditoire s'agrandissant, les fans de la première heure redoute à chaque album que le groupe se transforme en équivalent américain de Coldplay. Mais The National grâce à sa maturité ne tombe pas avec ce nouvel album dans ce piège.
Malgré le titre de l'album, ce disque est leur plus lumineux et ce dès le titre d'ouverture. Là où sur High Violet Terrible Love nous embarquait sur un navire pris en pleine tempête, avec I Should Live in Salt, on navigue sereinement même si les eaux sont toujours sombres. A mesure que se déroulent les titres, on remarque l'attention apportée aux arrangements discrets mais riches signés Richard Reed Parry d'Arcade Fire, Sufjan Stevens ou l'electronicien français Rone. Quelques titres sont plus dépouillés comme ce magnifique Fireproof enregistré en une seule prise mais l'ensemble de l'album est constitué d'une pop-rock mélodique mais sombre, énergique mais intimiste à l'image des récents travaux d'Arcade Fire ou de Bon Iver. Outre ces arrangements toujours plus ambitieux, la grande nouveauté de ce disque est le nouveau ton de la voix de Matt Berninger. Sa voix de baryton était une marque de fabrique du son The National exprimant toute l'insondable mélancolie et la rage retenue de leur musique. Tant pis pour l'image glamour et tant mieux pour nos oreilles (et pour sa santé) mais il a arrêté de fumer pendant l'enregistrement ce qui lui permet de chanter plus haut, lui ouvrant une nouvelle palette d'émotions. En particulier sur Heavenfaced où sur le final, il ressemble au Bono de One. D'ailleurs, on pense souvent au The Joshua Tree de U2 sur cet album. Mais les chansons de The National ne deviendront jamais des hymnes de stade. Par exemple, alors que The Last Time déroulait sa pop-rock tranquille, le groupe la fait plonger lors de ses deux dernières minutes en plein drame intimiste fait de cordes lacrymales et des choeurs hantés de Sharon Van Etten. Et puis il y a ces paroles pour nous rappeler que même s'il s'exprime sur une musique plus lumineuse, Matt Berninger n'en a pas encore fini avec ses démons ("It takes a lot of pain to pick me up, it takes a lot of rain in the cup").
Bref même si avec ce Trouble Will Find Me, The National s'ouvre à plus de lumières et assume pleinement son côté pop-rock, toutes les chansons de cet album transpirent l'humilité et la sincérité qui font The National. Bien sûr cet album a ses défauts: un poil trop long au risque d'être répétitif, la marche franchie avec ce disque semble moins haute que les fois précédentes et les chansons n'ont pas le charisme de celles du sublime High Violet. Mais avec ce disque au charme peut-être plus discret que les précédents, The National reste largement au sommet de la pop indé américaine. Il excelle toujours autant dans cet art délicat d'exprimer les tourments et les doutes d'un homme, son éternel combat entre ses démons intérieurs et sa vie de père, d'amant, d'ami. D'ailleurs, si j'avais été un peu (beaucoup) déçu lors des premières écoutes, je trouve ce disque de plus en plus magnifique et peux l'écouter plusieurs fois dans la journée sans qu'il m'ennuie. Le signe des grands disques !
thebluegoose
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le 30 juin 2013

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