Rarement avait-on été confronté à telle maturité, telle complicité pour un premier album. La raison est sans doute à chercher dans le fait qu'Herman Düne soit, d'abord, le projet de deux frères, David-Ivar et André, accompagnés par le dénommé Omé, et ce depuis plus de dix ans... Dix années passées, on imagine, à composer, répéter, improviser, partir sur la route pour jouer dès que s'en présentait la possibilité. De ce parcours initiatique, le trio a gardé cette volonté de jouer sans fard, d'enregistrer dans les conditions du live, afin de ne pas pouvoir tricher, d'offrir une musique dont la force réside en grande partie dans sa nudité, dans son implacable austérité. La tradition est certes américaine, mais il existe une dimension angoissante, une aura inquiétante qui rendent ce disque menaçant, excitant et lui permettent d'échapper à une filiation de par trop réductrice avec les seules oeuvres du torturé Will Oldham. D'ailleurs, même si on pense parfois à certains enregistrements de Tim Buckley, c'est l'ombre du Velvet Underground qui plane tout au long de ces onze compositions originales. Mais un Velvet Underground qui interpréterait les chansons de son bucolique troisième album éponyme avec la "brutalité" sourde dont il use sur White Light White Heat. Et s'il existe une dimension folk, il s'agit d'un folk mutant, parfois lancinant, tantôt violent, où des accords improbables de guitares maltraitées viennent sortir l'auditeur de sa torpeur. Et pourtant, avant d'écouter ce disque, il est effectivement conseillé d'éteindre la lumière. Blanche, par la force des choses. (Magic)