Ah Patti, Patti, Patti, Patti dis voir, une question me vient là à brûle-pourpoint; est-ce qu'il t'arrive (permets-moi de te tutoyer, comme disait Jacques Prévert dans son poème 'Barbara') de finir des plats laissés dans ton frigo depuis une semaine ? Moi ça m'arrive de consommer des trucs pas très digestes de temps à autre parce que j'ai pas un rond, mais toi Patti t'as du fric mais surtout à la base une sacrée dose de talent. Et pi Patti, t'as connu la grande époque de la fin des sixties. T'as côtoyé les plus grands artistes de la planète, t'as fumé des pétards avec Hendrix j'imagine, t'as pris de la coke avec mister Jagger, et pi bien d'autres choses encore, hein ? Enfin voilà, tout ça pour dire que t'es pas née d'hier et que tu connais les ficelles (et les dérives) du métier.
Mais de là à faire un album entièrement consacré à des reprises, y a un gap. Si c'est un hommage à des potes, ok. Même si c'est pas original dans son contenu, ça reste honorable dans l'intention. Si c'est juste un pot-pourri retraçant plus ou moins 4 décennies (avec un gros arrêt sur la fin des sixties) à travers des songs qui t'ont marquées, là je dis que t'aurais pu t'abstenir. (c’eût été quelqu'un d'autre c'était pareil)
Que les choses soient claires; les 12 titres sont bien interprétés, là n'est pas le souci. C'est propre. Les musiciens font leur job comme il faut, ta voix est claire. Y a pas un pet de travers, et c'est là le blème. C'est fade. Et parfois atrocement plat et blafard. Parce que tu vas pas taper dans les petites frappes pour tes covers : Beatles, Rolling Stones, Stevie Wonder, Hendrix, Doors, Allman Bros., CSNY, Dylan. Que du lourd, des mastodontes du 20è siècle. Alors, évidemment moi tu me connais, j'allais pas laisser passer ça sans broncher. Même si j'suis pas hyper pote avec les Fab Four, "Within You Without You" c'est un morceau dont il faut se méfier avant d'oser le toucher. C'est un peu comme les champignons, faut s'y connaître avant d'en bouffer. Mais finalement c'est pas là que mes oreilles de cocker se sont relevées le plus; mais avant tout concernant "Helpless" de CSNY. Là y a blasphème ! Et pas le petit. Comment as-tu osé Pat ? Comment as-tu osé enregistrer ta reprise, uh ? La beauté transcendantale de l'originale se suffisait à elle-même. Elle est de ces chansons qui ne devrait être jouée, chantée qu'une seule fois. Pas de reprise, rien de tout ça. Ou si alors, mais chez soi dans son coin en privé. Pas sur la scène publique en tout cas. Faire à sa sauce des ziks je connais bien, mais perso je n'oserais jamais détruire une telle chanson et la vendre de surcroît ! Il en va de même pour la magnifique "Gimme Shelter" des Stones. Je suis fan de ce morceau et toi qu'est-ce que t'en fais ?..rien justement. T'en fais rien Patoche. C'est désolant et triste à la fois. Pourtant ça avait bien débuté avec "Are You Experienced?" de sieur Hendrix. Sans être exceptionnelle, ton appropriation tient la route, et dieu sait que je connais et aime la musique du bonhomme. Mais voilà, les (la?) bonnes choses prennent souvent vite fin. Car après un détour dans les eighties et une cover sympatoche de "Everybody Wants to Rule the World", tu te mets en mode médiocre. Et là où ça fait mal au cul c'est que ça dure jusqu'à la fin. Look, "Changing of the Guards" par exemple, c'est quoi l'intérêt (une nouvelle fois oserais-je dire) de reprendre une chanson avec les mêmes accents modaux ? les mêmes vocalises ? les mêmes suites d'accords ? etc, etc, etc...et ce n'est qu'un exemple, car le reste de ton album suit cette logique. C'est juste de la transposition voix masculine/voix féminine. Rien de plus, rien de moins. Comme je le disais plus haut, on attend plus, beaucoup plus d'artistes professionnels. On n'est pas dans une sphère privée là. T'es pas chez toi à enregistrer sur un quatre pistes Patti. T'es endorsée par Columbia, bordel. Columbia ! C'est pas le label du coin de la rue quoi ! T'en as vendu combien des copies de cet album, uh ? Je veux dire, y a un paquet de personnes qui l'ont écouté, acheté. Et pas juste dans l'Illinois ou à New York.
J'estime qu'une artiste de ta trempe n'a pas le droit de faire ce genre d'album. Pas de cette façon. C'est sûr que ceux qui n'ont jamais entendu les versions originales ou très peu, ne se rendent pas compte de la platitude qui règne dans l'ensemble de ton album. Encore une fois je précise que le boulot est propre sur lui, mais ça ne suffit pas pour en faire de la bonne musique. Faire une cover comporte toujours des risques, comme ceux de se faire démonter par la critique et les amoureux des morceaux originaux. Mais là c'est pas un mais douze titres. Et non des moindres qui plus est. Mais foutre dieu, il t'est passé quoi par la tête pour t'obstiner inlassablement à reprendre des classiques des sixties de la sorte, hein Patti ? "Soul Kitchen", là aussi. Tu n'apportes rien. Ecouter les Doors et puis mourir. Basta ! Encore si tu nous avez gratifié d'un truc qui sorte des sentiers battus. Mais là c'est encore et toujours la ritournelle de la song que tu prends, reprends, pour n'en rien faire du tout. C'est affligeant à la longue. Neuvième piste et tu restes campée sur le même modus operandi. Neuvième piste et je suis agacé. Primo ton "Soul Kitchen" est sans saveur. Deuxio, et à l'instar de beaucoup d'autres morceaux ici, il n'y a aucune originalité. Et tertio pour le coup, tu te situes à des années-lumière de Jim Morrison niveau ressenti épidermique. La puissance/maîtrise dégagée dans sa voix lors de cette chanson est sans commune mesure avec ce que tu proposes. Désolé mais y a des choses auxquelles il est préférable de ne pas toucher de peur de se brûler.
Il reste trois morceaux et le cap du viol blasphématoire a été allégrement franchi jusqu'alors. Cependant là où j'ai droit à ma petite satisfaction c'est "Smells Like Teen Spirit". Il est toujours bon pour moi quand un groupe s'en prend sans le savoir à Nirvana. Car là ouais t'as fait fort Patti. Taper dans l'un des groupes les plus surcotés de la planète, je dis chapeau ! D'autant plus chapeau que c'est le morceau le plus connu (et probablement le plus pathétique aussi) du combo au blond schizoïde/paranoïde. Mouahahahahah je suis dingue. Internez-moi. Sérieusement, le coup du banjo en guise de guitare électrique, ça en jette sévère. Voilà LA version de SLTS dont je rêvais dans mes nuits obscures et farouches. Patti did it ! T'as réussi à rendre agréable et classieuse une chanson qui est toute naze à la base. Ça ouais c'est la classe Patti. La grande classe. Tout à ton honneur. Certes ça ne réhabilitera pas Nirvana mais au moins je me dit qu'il ne suffit pas de gueuler pour se faire entendre...
Après la mayonnaise redescend malheureusement, car j'étais resté sur un bon délire avec ta cover précédente de Smells. "Midnight Rider" c'est un foutu sacré morceau des frères Allman, et là sbim tes travers te reprennent comme une poussée d’acné. Ça n'aura pas duré bien longtemps le voyage en first. Unfortunately. L'ultime titre; une chanson de Coolio (humour pour détendre l'atmosphère). Pour ceux qui ne sauraient pas, en 1995 Coolio avait sorti "Gangsta's Paradise" qui n'est ni plus ni moins qu'un copier/coller de "Pastime Paradise" from Stevie Wonder. Passée cette info, n'oublions pas Patti en route. Elle ne va pas s'en sortir comme ça et échapper à une dernière salve de ma plume.
Conclure un album de cover de la sorte relèverait presque de l'effronterie caractérisée si la donzelle ne s'appelait pas Patti Smith. Je suis effaré de me rendre compte que sur 12 titres, seulement 2 sont vraiment originaux et sortent du flot continu de reprises sans substance. Si l'on ne s'en tenait qu'à l'interprétation purement technique, oui c'est bien gaulé, c'est carré, c'est pro. Y a pas un cheveu qui dépasse de la tignasse. Toutefois le taf présenté ici n'est pas une simple suite de morceaux lambdas. D'abord ce sont des reprises, et dans un second temps des reprises émanant d'artistes connus et/ou reconnus. De facto, noter cet album pour son seul caractère esthétique et technique n'a aucun sens. Si l'on veut être un minimum honnête - et donc objectif - on ne peut pas considérer cette production comme acceptable sur un plan artistique.
Un artiste qui rend hommage - ou tribute pour les anglo-saxons - ne doit pas se contenter d'interpréter, mais de passer outre le morceau originel. Non le sublimer ou le rendre meilleur (quoique Nirvana..) mais faire en sorte d'apporter des pièces nouvelles ou différentes, de donner un angle personnel, de vivre et s'approprier le texte autrement, MAIS en aucun cas de mimer vocalement, de suivre la même grille d'accords, la même mélodie, le tempo, les mesures, etc. Sur une très grande partie de ce Twelve, c'est le sentiment qui prédomine, et fatalement annihile presque les bons cotés. Rares sont les moments de satisfaction tant Patti Smith semble être dans le mimétisme forcené. C'est irritant et corrosif au fur et à mesure qu'on avance dans l'album.
A titre purement personnel, je trouve ce Twelve chiant dans sa globalité, inintéressant et inutile. Ça c'est l'atmosphère générale, même si j'ai bien aimé quelques passages instrumentaux.
HIGHLIGHTS: Are You Experienced?, Smells Like Teen Spirit